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Noms bibliques

- Ada, l'une des deux femmes d'un descendant (cinquième génération) de Caïn (Gn 4,19) : Nabokov

- Milka, belle sœur d'Abraham (Gn 11,29) : le chocolat

- Kush, petit-fils de Noé (Gn 10,6) : cf Les Ethiopiques d'Hugo Pratt.

- Dina, la seule fille de Jacob (Gn 30,21) : le chat d'Alice dans Alice au pays des merveilles

Le trésor caché à Bagdad

Pour moi, c'était un récit de Borgès, peut-être venu des Mille et une nuits. Voici une autre source, soufie cette fois (il est entendu que ce n'est pas incompatible).
Un habitant de Bagdad avait gaspillé son héritage et se trouvait dans le dénuement. Après qu'il eut adressé à Dieu d'ardentes prières, il rêva qu'il entendait une voix lui disant qu'il existait dans la ville du Caire un trésor caché à un certain endroit. Arrivé au Caire sans argent, il résolut de mendier, mais il eut honte de le faire avant que la nuit fût tombée. Comme il errait dans les rues, il fut saisi par une patrouille qui le prit pour un voleur et le roua de coups avant qu'il ait pu s'expliquer. Il y parvint enfin, et raconta son rêve avec un tel accent de sincérité qu'il convainquit le lieutenant de police. Celui-ci s'écria: «Je vois que tu n'es pas un voleur, que tu es un brave homme; mais comment as-tu pu être assez stupide pour faire un aussi long voyage en te basant sur un songe? Moi, j'ai rêvé bien souvent d'un trésor caché à Bagdad, dans telle et telle rue, dans la maison d'un tel, et je ne me suis pas mis en route pour cela.» Or, la maison qu'il mentionnait était celle du voyageur. Ce dernier, rendant grâce à Dieu que la cause de sa fortune fut sa propre erreur, retourna à Bagdad où il touva le trésor enfoui dans sa maison.

Mathnawî VI, 4206 s. ; - texte aussi cité dans : Eva de Vitray-Meyerovitch, Rûmî et le soufisme, Seuil coll. "Maîtres spirituels" n°41, 1977, p.16

Ceci n'est pas un quizz culturel

Cette remarque est à mes yeux fondamentales. C'est ce que je tente d'expliquer régulièrement à propos du travail sur les Églogues: nous effectuons un travail austère et humble, indispensable et plaisant, mais qui présente l'inconvénient de casser le rythme du texte et d'une certaine façon de le rendre incompréhensible, puisque les résonances ne s'ordonnent et ne se développent que lorsqu'on lit sans arrêt, sans réflexion, lorsqu'on passe comme passe un passant ou un promeneur dans un paysage curieux et beau, connu et mystérieux à la fois (voyage dans le parc de Landor).

Ce détour par la lecture approfondie ("sans hâte", ai-je trouvé chez les joyciens: unhurried reading) est nécessaire, mais ne doit pas faire oublier la joie simple de lire.
L'essentiel des obscurités des textes poétiques de Pound est maintenant aplani par la prolifération des guides, gloses, commentaires en langue anglaise. Cependant, ces gloses ne sont pas encore accessibles au lecteur français, et surtout elles réduisent le texte, par avance, au statut de quizz culturel, et font des Cantos un «Trivial Pursuit» de la culture universelle. Ce n'est pas ainsi que Pound entendait qu'on le lise, il croyait aux vertus d'une culture vivante, élaborée peu à peu lors de confrontations ardues et directes avec des œuvres, des documents, des cultures parfois très éloignées de la nôtre. «Rien ne peut se substituer à une vie humaine», répète Pound à la fin de sa vie, méditant sur le prix qu'il avait payé pour vivre jusqu'au bout la culture qu'il avait contribué à créer.

Or un fait central doit ici être souligné: tout, dans l'œuvre de Pound, se répond, s'éclaire, se commente. Pénétrer dans le maquis des textes c'est apprendre à explorer un pays dont il faut à la fois apprendre la langue et comprendre les coutumes, avant de goûter la fraîcheur de ses récits fondateurs.

Ezra Pound, Je rassemble les membres d'Osiris, extrait de la préface de Jean-Michel Rabaté, p.8

Chance relative

James Joyce jetait des mots dans des carnets au fur à mesure de ses lectures. Il les barrait quand il les utilisait dans ses manuscrits.

Le travail sur les carnets de Finnegans Wake consiste donc à :
- déchiffrer l'écriture de Joyce ;
- retrouver dans Finnegans l'endroit où est utilisé le mot barré (parfois il n'est utilisé que dans les brouillons et n'apparaît pas dans la version finale) ;
- si possible retrouver ce qu'était en train de lire Joyce à partir des mots déchiffrés (ce qui permet de valider et consolider le déchiffrage d'autres mots alentours — et de savoir ce que lisait Joyce, retrouver un peu de sa vie, essayer éternellement de saisir la création se faisant).

Parfois la source est indiquée en clair dans le carnet:
— Parfois on a de la chance. Par exemple, quand il était à Saint-Malo, Joyce a noté la cote des livres qu'il empruntait à la bibliothèque dans son carnet… Malheureusement la bibliothèque a été bombardée en 1944.



Retranscription des explications de Daniel Ferrer.
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