Billets qui ont 'Etoile au front (L')' comme oeuvre littéraire.

Lettres à Jean Puyaubert, de Roger Vitrac

Passé la journée au lit, à dormir et à lire.
Lu Lettres à Jean Puyaubert, acheté il y a un an, retrouvé hier dans le carton à oreillers.

Les non-camusiens ne connaissent pas Jean Puyaubert. Jean Puyaubert est une figure mythique du Journal, l'homme que tous nous souhaiterions avoir rencontré, pour sa culture, son élégance, sa gentillesse, son sourire. Je vous livre une photo et une biographie de quelques lignes, située dans un contexte fiscal:
780. C'est en effet un douloureux sujet. En 1992 j'ai fait l'objet d'un contrôle fiscal, portant sur les trois années précédentes. Il a abouti à un redressement. On me reprochait de n'avoir pas déclaré certaine demi "année sabbatique" (quatorze mille francs par trimestre), allouée par le Centre National des Lettres, qui m'avait dit de n'en pas faire mention parmi mes revenus. Le Centre National des Lettres et le ministère des Finances ne sont pas d'accord, en effet, sur le caractère imposable, ou non, de ces bourses. Comme le débat me dépasse, je suis assisté dans le procès qui s'ensuit, devant le tribunal administratif de Pau (dont dépend le département du Gers), par un conseiller commis d'office par le ministère de la Culture.

781. Ce procès, qui traîne depuis trois ans maintenant, et qui pourrait très mal se finir pour moi, porte aussi sur d'autres sommes, versées celles-là à titre d'aide amicale, et de mécénat privé, par le docteur Jean Puyaubert, radiologiste des Hôpitaux de Paris et grand collectionneur de peinture, en particulier d'André Masson.

782. Ami des surréalistes et surtout des membres du Grand Jeu, intime de Roger Vitrac, de Roger-Gilbert Lecomte et de Raymond Queneau, Jean Puyaubert, depuis son enfance frénétique lecteur, m'avait écrit, en 1981, à propos de mon Journal d'un Voyage en France. Il m'invitait à dîner. Et nous avons dîné ensemble, et parfois déjeuné, plusieurs fois par semaine, en tête-à-tête ou en compagnie de tiers des amis à lui ou à moi, son neveu, Flatters, le poète Max de Carvalho, Philippe 1er, Philippe II, Philippe III, Philippe IV, Philippe V, d'autres souverains dans d'autres dynasties pendant les dix années qui suivirent, jusqu'à sa mort, en novembre 1991.

783. Il était né en 1903 et malgré cela, ou peut-être pour cette raison, je n'ai jamais connu personne dont j'aie ressenti aussi fort qu'il était mon contemporain. Notre langage était le même, nous nous amusions des mêmes choses, les mêmes détails nous émouvaient, les mêmes tournures, les mêmes vers. Nous n'étions d'accord sur rien et nous étions en sympathie sur tout.

784. Jean Puyaubert, toute sa vie, avait aidé les artistes qu'il aimait. Je possède une lettre d'Antonin Artaud, à lui adressée, où il est question d'un prêt de vingt-cinq francs. Il traversait tout Paris à pied, pendant l'Occupation, pour trouver à Lecomte de l'opium (ou du laudanum, je ne sais plus). Pour ma part, je n'ai jamais eu à lui emprunter un sou ce qui s'appelle emprunter. Quand il voyait que je m'étais mis, encore une fois, dans une situation intenable, il me passait deux cent francs à la fin d'un dîner, et quelquefois c'était dix mille, en chèque, dans une enveloppe, et parfois même davantage.

785. Pas un instant il ne me vint à l'idée, ni à lui, que ces sommes-là (pour lesquelles il avait déjà été soumis à l'impôt), pussent être pour moi imposables. Mme l'inspecteur du fisc, cependant, s'ingénie à les ranger sous des rubriques où elles seraient très sévèrement soumises à taxation : ou bien se sont des salaires pour des travaux clandestins (qui bien entendu n'ont jamais existé); ou bien se sont des revenus littéraires (puisqu'elles avaient pour origine, de mon propre aveu, l'existence de mes livres); ou à défaut ce sont des legs dissimulés, imposables en ce cas dans des proportions bien plus fortes encore, puisque le docteur Puyaubert et moi n'avions aucune relation de parenté.

786. Nous en sommes là. On tient à préciser toutefois, du côté de l'Administration, que ma bonne foi n'est pas en cause. Il n'empêche que si je perds ce procès, il me faudra verser des dizaines et des dizaines de milliers de francs, qui s'ajouteront aux impôts en cours, que déjà je n'arrive pas à payer.

Renaud Camus, Vaisseaux brûlés

Roger Vitrac et Jean Puyaubert ont entretenu une correspondance tout au long de leurs vies. Il a fallu sélectionner des lettres, choisir celles qui relevaient le moins de la vie quotidienne, celles qui demandaient le moins d'explications relevant de la vie privée, intime. Alain et Odette Virmaux ont accompli cette tâche, rendant en introduction hommage à Jean Puyaubert:
Que parmi tant de voltes, de tâtonnements, d'inachèvements et de déceptions, il [Vitrac] ait obstinément gardé Jean Puyaubert comme confident — seul point fixe, ou presque, d'une existence disloquée et inaccomplie — cela plaide assurément en sa faveur. Car il n'avait pas mal placé sa confiance. Ami sûr, discret et généreux jusqu'à l'oubli de soi, Jean Puyaubert mit un point d'honneur à ne jamais écrire une ligne sur aucun de ceux qu'il avait approchés, et il avait connu à peu près toute cette génération. A peine s'il consentit à dire quelques mots, pour la radio1, en hommage à un homme dont il avait été très proche et qu'il avait soulagé de son mieux, Roger Gilbert-Lecomte, l'«archange» du Grand Jeu. Au risque de contrevenir à cet intransigeant désir d'effacement, nous pensons qu'il ne serait pas équitable que le nom et le rôle de Jean Puyaubert demeurent dans l'ombre. Et l'on ne pouvait mieux lui rendre justice qu'en l'associant étroitement à la mémoire de Roger Vitrac, l'ami qu'il avait privilégié.

Alain et Odette Virmaux, présentation des Lettres à Jean Puyaubert de Roger Vitrac, p.13

Le ton de ces lettres m'emplit de regrets, plus personne n'oserait écrire ainsi, à la fois sans fard, se plaignant de sa paresse ou remerciant pour un don d'argent («Encore merci pour le nerf du voyage et crois que je t'aime bien fraternellement» p.58), et de façon rapide, allusive, mordante, d'un humour jouant sur une exagération qu'on rejetterait aujourd'hui comme maniérée ou ampoulée, et que je trouve amusante:
Bien sûr je brûle de l'envie de te raconter par le menu toute l'expédition mais tu sais que le genre narratif n'est pas notre fort et sans aller jusqu'à prétendre, comme d'autres, que je ne pourrais écrire la phrase: «la voiture de mon ami Henri Philippon s'arrêta devant l'hôtel des Colonies à cinq heures », je me trouve toujours embarrassé par ce qu'on est convenu d'appeler la simplicité d'écrire qui me paraît être un monstre charmant de pleins et de déliés.
Ibid, lettre du 11 septembre 1933, p.62

J'ai croisé de page en page des personnages et des événements découverts dans la biographie de René Char2, Breton, Bunuel, le cinéma, Bataille, la mort de Raymond Roussel…
Je confronte les lignes suivantes pour mémoire, parce que si l'anecdote est amusante soixante-dix ans plus tard, elle est représentative de la violence physique qui accompagnait les passions littéraires (et politiques) de ces années-là.
Il s'agit des raisons qui ont amené le groupe surréaliste conduit par Breton à saccager une boîte nommée Le Maldoror. Au cours de la bagarre, René Char recevra un coup de couteau.

Dans un interview paru dans Le Soir du 17 février 1930, Vitrac raconte la provocation malicieuse qui a présidé au baptême de la boîte:
Je suis en effet responsable de cette histoire. Il y a quelques mois, M. de Landau, que je ne connaissais pas, m'annonça l'ouverture d'une nouvelle boîte, «La Locomotive», qu'il comptait exploiter à Montparnasse. Je lui déclarai qu'il n'aurait personne, que l'enseigne me paraissait saugrenue et qu'il devait prendre exemple sur des lieux de plaisir de la rive droite, tout en restant rive-gaucher. «Maldoror», lui dis-je, voilà qui conviendrait admirablement. Rien ne vous manquera. Ni les snobs, ni les Américains, ni le scandale. Car l'auteur des «Chants de Maldoror» est tabou pour une demi-douzaine d'occultistes qui ne manqueront pas de vous assaillir aux cris d'Abracadabra et de «Vive Monsieur le Comte!». Robert Desnos acheva de le persuader.

Ibid, interview p.85

De son côté, Laurent Greisalmer raconte et imagine la décision de saccager «Le Maldoror»:
Au café Cyrano, c'est jour de tempête! André Breton porte un masque de colère blanche et Aragon la toge de Fouquet-Tinville. Non seulement les traîtres au groupe surréaliste se répandent dans Paris pour cracher sur eux, mais ils osent blasphémer sur ce qu'il y a de plus précieux à leurs yeux: Les Chants de Maldoror et les Poésies de Lautréamont. Lautréamont! L'auteur de leur jeunesse, celui qui les a galvanisés pour toujours.
Sur une table du café, un exemplaire de l'hebdomadaire Candide, ce 14 février 1930, apporte la preuve de la cabale. En commandant un picon-Citron, Paul Eluard jette un coup d'œil à l'article d'Odette Pannetier: «Il paraît que ça ne va guère, chez les surréalistes, s'amuse la journaliste. Ces messieurs Breton et Aragon se seraient rendus inssupportables en prenant des airs de haut commandement. On m'a même dit qu'on jugerait deux adjudants "rempilés"».
— Ce «on» pue le mouchardage, remarque-t-il.
Mais, surtout, l'article donne une information que Breton tient pour une insulte personnelle: d'anciens surréalistes conduits par Robert Desnos auraient convaincu un nouveau bar-dancing de Montparnasse de prendre le nom de Maldoror: «Ils disent comme ça que Maldoror, pour un surréaliste, c'est l'équivalent de Jésus-Christ pour un chrétien, et que voir ce nom-là employé comme enseigne, ça va sûrement scandaliser ces messieurs Breton et Aragon.»
C'est peu dire. André Breton, avant toute discussion, a décidé une expédition punitive.

Laurent Greisalmer, L'étoile au front, p.49


Et je songe à l'amitié qui lia Jean Puyaubert et Renaud Camus, à toutes ces conversations qui permirent à Renaud Camus d'être un témoin par procuration de ces années-là, à ce qui nous est raconté par bribes, le prénom de Guilhen3 rencontré dans ces Lettres, Jean Puyaubert et Raymond Queneau, Jean Puyaubert et la septième symphonie de Beethoven, Renaud Camus qui m'écrivait il y a quelques mois qu'il tient encore tous les jours de longues conversations avec son ami Jean Puyaubert… (ceci à propos d'une phrase de Gide reprise dans L'Amour l'Automne: « Hier soir je pensais à elle; je parlais avec elle, comme je faisais souvent, plus aisément en imagination qu'en sa présence réelle; lorsque soudain je me suis dit: mais elle est morte…», Et nunc manet in te).



Note
1 : Quelques mots qui ont été reproduits dans le volume Roger Gilbert-Lecomte et le Grand Jeu, Belfond 1981

2 : L'étoile au front, de Laurent Greisalmer

3 : message 7615 de RC le 8 mars 2004 sur le forum des lecteurs, SLRC.
Pardonnez-moi je suis en voyage, épuisé, il est tard, et ma connexion est exécrable. J'aimerais réagir à beaucoup des messages de cette page (par exemple celui de Cassandre) mais n'en ai ni la force ni les moyens techniques. Ceci seulement (qui n'a rien à voir avec la fleur sur le plancher). Chez les parents de Jean Puyaubert en Corrèze, et dans leur entourage, on aimait beaucoup "Fervaal" (et aussi "Wallenstein", n'est-ce pas de d'Indy? : "le rire sardonique des soldats du camp de Wallenstein…"). Je suis en train de comprendre pourquoi la plus vieille amie de Jean Puyabert s'appelait Guilhen (je me demande si elle n'était pas la tante (ou la mère???) de Michel Picoli). Circa 1990, Jean Puyaubert et elle disaient aux nouveaux venus : «Nous nous connaissons depuis quatre-vingt cinq ans».

Survivre avec les moyens du bord

Éluard, le grand frère, transmet surtout à son benjamin les rudiments de la survie financière, des conseils indispensables si l'on ne veut pas capituler et accepter un travail salarié. Les principes de sa constitution s'appuient essentiellement sur les ressources insoupçonnées offertes par les manuscrits de poèmes. L'article premier décrète que rien ne se jette ! Les premiers brouillons d'un poème trouvent toujours un amateur bibliophile. L'article 2 prescrit de veiller à la qualité du produit. Le poème doit être écrit lisiblement, le papier offrir une qualité minimale. L'article 3 souligne que l'originalité du produit peut être déterminante. Le prix d'un manuscrit peut sensiblement monter s'il se présente sur un papier particulier (couleur, grain, papier à en-tête d'un hôtel, d'un café ou, mieux, d'un garage). L'article 4 encourage à toujours penser au petit plus. Le prix d'un manuscrit dépend bien sûr de la notoriété de l'auteur, mais rien n'interdit de le faire monter en y ajoutant des éléments de plus-value [dédicace à un auteur célèbre, ratures et rajouts lisibles).

Élève doué. Char écoute. Éluard lui propose aussitôt une démonstration en se chargeant de la négociation du manuscrit d'Artine. Surtout lorsqu'il n'est pas directement concerné, Éluard est un marchand redoutable. Il se fixe un prix et s'y tient, plaçant toujours la barre très haut. Lui-même grand collectionneur, il sait d'instinct jusqu'où un amateur accroché ira pour satisfaire son besoin de possession d'une pièce rare. Les treize feuillets d'Artine, avec ratures et ajouts, présentés comme l'une des pièces majeures du surréalisme, vont permettre à Char de tenir plusieurs mois. La leçon est retenue, de même qu'une évidence implicite : il est nécessaire d'entretenir un minimum de relations avec de grands libraires et des amateurs fortunés.

Longtemps, le richissime couturier Jacques Doucet (1853-1929) a été la providence des surréalistes et des artistes d'avant-garde. André Breton, son conseiller pour les arts plastiques, lui a permis de réunir l'une des plus belles collections de tableaux du début du siècle. Dans une lettre, il l'a pressé d'acheter à Picasso Les Demoiselles d'Avignon, une toile que le peintre avait roulée dans un coin de son atelier, persuadé de ne jamais vendre ce sujet scabreux et révolutionnaire. Breton était prophétique :

« C'est là une œuvre qui dépasse pour moi singulièrement la peinture, c'est le théâtre de tout ce qui se passe depuis cinquante ans, c'est le mur devant lequel sont passés Rimbaud, Lautréamont, Jarry, Apollinaire, et tous ceux que nous aimons encore. Que ceci disparaisse, il emportera la plus grande partie de notre secret... »

C'était en 1923. Jacques Doucet finit par céder à Breton. Picasso réclama au mécène la somme de vingt-cinq mille francs. Doucet eut le cran de rester impavide : « Bon. Eh bien ! c'est entendu, monsieur Picasso. Vous recevrez deux mille francs par mois à partir du mois prochain jusqu'à concurrence de vingt-cinq mille. » Et il renégocia le prix à la baisse ultérieurement... Quatorze ans plus tard, la toile fut revendue cent cinquante mille francs.
Le grand couturier avait aussi un jeune conseiller littéraire, Louis Aragon, royalement rémunéré pour l'informer et acquérir en son nom livres rares et manuscrits. Et puis le communisme et les provocations de l'un ont eu raison de la patience et de la générosité de l'autre. Aragon vit désormais de la vente des colliers conçus et fabriqués par Elsa :

« J'allais vendre/ aux marchands/ de New York/ et d'ailleurs/
De Berlin/ de Rio/ de Milan/ d'Ankara/
Ces joyaux/ faits de rien/ sous tes doigts/ orpailleurs/
Ces cailloux/ qui semblaient des fleurs/
Portant tes couleurs/ Elsa valse et valsera »

De nouveaux liens se sont tissés. D'autres mécènes instaurent leur règne. Les « Charles », très liés à René Crevel et Luis Bunuel, ont succédé à Jacques Doucet. Ils achètent systématiquement l'un des trois premiers exemplaires sur beau papier de tous les recueils publiés par les surréalistes, ce qui permet de financer l'impression de livres qui se vendent au mieux à quelques centaines d'unités. Charles de Noailles acquiert en 1930, pour faire plaisir à Breton et à Éluard, leur manuscrit de L'Immaculée Conception pour la somme considérable de dix mille francs. Ainsi devient-il, selon l'expression de José Corti, une sorte de Fouquet de la République. René Gaffé, un riche parfumeur belge, achète pour sa part à prix d'or tous les exemplaires numérotés « 1 ».

La vente de manuscrits et de brouillons suppose en vérité du savoir-faire, de la psychologie et de l'organisation. René Char ouvre très vite une annexe à son atelier de poète. Là, revêtant les habits d'un moine copiste, veillant à la bonne tenue de ses plumes et de son encrier toujours rempli d'encre noire, il recopie avec un soin maniaque ses derniers textes. Il apporte une attention obsessionnelle à ce travail tranquille qui le repose et lui permet de filtrer attentivement ses poèmes. Autour de lui sont disposés son tampon buvard, un choix de cartons et de papiers de Hollande plus ou moins forts. De son écriture ample, il semble à chaque fois réécrire définitivement ses plus beaux poèmes.

Ainsi le manuscrit recopié peut devenir un original. Qui saurait distinguer parmi ces feuillets épars l'authentique brouillon d'un vrai-faux, le premier jet d'une nouvelle version originale ? Lucratif, cet artisanat est aussi généreux. Il n'est pas rare que Char recopie entièrement un recueil sur un carnet spécialement relié, puis l'offre en gage d'amitié.
Eluard l'initie également aux mystères de la fabrication d'un « beau livre ». René Char s'était intuitivement prêté à l'exercice, au début de l'année 1930, avec Le Tombeau des secrets. Son livre se composait d'une trentaine de pages où douze photographies détournées par des collages occupaient en majesté l'espace avec, en regard, quelques textes brefs. André Breton et Éluard y avaient ajouté un photomontage de leur cru...

La rencontre d'un peintre et d'un poète ouvre cependant d'autres horizons. La fusion de Manet avec Mallarmé, la rencontre d'André Derain et d'Apollinaire, l'alliance de Fernand Léger avec Blaise Cendrars, la géniale alchimie de Juan Gris avec Pierre Reverdy transforment le livre en œuvre d'art, recherchée par tous les amateurs. Le livre échappe alors à son statut classique pour devenir objet sacré. Paul Éluard et Max Ernst, André Breton et Alberto Giacometti ont défriché ces terres encore fraîches et nourricières.

A défaut d'une véritable collaboration avec un peintre, veille donc, souffle Éluard à son ami, à demander une gravure, une eau-forte pour la placer en frontispice de ton recueil. Le conseil a été entendu. Il sera toujours repris comme une clé magique pour échapper aux petites misères du temps. On mésestime trop les plaies d'argent.
Comparés aux poètes, les peintres qui rencontrent le succès sont riches, parfois richissimes, explique Éluard. Il faut savoir accepter leurs cadeaux : dessins, gouaches, tableaux. C'est leur manière de te reconnaître. Picasso sait parfaitement, lorsqu'il te met d'autorité une toile sous le bras, que tu la revendras un jour de dèche, et il ne t'en voudra pas. L'argent file, à nous d'en trouver !

Laurent Greilsamer, L'éclair au front, la vie de René Char

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