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Billets pour la catégorie anthologie cannibale :

jeudi 2 avril 2020

Notre besoin de protéines

J'ai toujours entendu des explications romantiques sur le cannibalisme, comme absorber les vertus et le courage de l'ennemi. Voici une explication davantage biologique:
Les enfants de nouvelle-Guinée exhibent le ventre gonflé caractéristiques d'un régime riche en fibres mais déficient en protéines. les Néo-Guinéens jeunes et vieux se nourrissent couramment de souris, d'araignées, de grenouilles et autres petits animaux dont ne voudraient pas les populations qui, ailleurs, disposent de gros animaux domestiques ou de gros gibier sauvage. La pénurie de protéines est probablement aussi la raison pour la quelle le cannibalisme était si répandu dans les sociétés traditionnelles des hauts plateaux.

Jared Diamond, De l'inégalité parmi les sociétés, Folio, p.220

mercredi 25 mars 2020

Mariage

Banquet de noces. La société éméchée chante.
Mme Cloche, priée de montrer ses talents, mugit une lugubre histoire de marin estropié dont la fiancée préfère épouser un jeune homme très bien au premier abord mais qui, par la suite, devient alcoolique et fou; alors la fiancée recherche le marin estropié, mais ses camarades l'ont consommé un jour de vent d'ouest et il n'en reste plus qu'un petit morceau de mollet conservé dans la saumure. Etranglée par l'émotion, Mme Cloche supprime le contenu de son verre de cointreau avant de continuer: la fiancée prend le petit morceau de mollet, et elle le mange et elle se jette ensuite du haut d'un phare dans l'Océan homicide, en chantant: Il était un p'tit marin, un p'tit marin de France…

Cette lugubre aventure suscite une impression considérable.
— T'aurais pu nous chanter quelque chose de plus drôle, lui dit Dominique.

Raymond Queneau, Le Chiendent, p.286
Pour l'anthologie cannibale.

samedi 17 septembre 2016

Je vais te manger

– Continuons donc notre excursion, repris-je, mais ayons l’œil aux aguets. Quoique l’île paraisse inhabitée, elle pourrait renfermer, cependant, quelques individus qui seraient moins difficiles que nous sur la nature du gibier !
– Hé ! hé ! fit Ned Land, avec un mouvement de mâchoire très significatif.
– Eh bien ! Ned ! s’écria Conseil.
– Ma foi, riposta le Canadien, je commence à comprendre les charmes de l’anthropophagie !
– Ned ! Ned ! que dites-vous là ! répliqua Conseil. Vous, anthropophage ! Mais je ne serai plus en sûreté près de vous, moi qui partage votre cabine ! Devrai-je donc me réveiller un jour à demi dévoré?
– Ami Conseil, je vous aime beaucoup, mais pas assez pour vous manger sans nécessité.
–Je ne m’y fie pas, répondit Conseil. En chasse ! Il faut absolument abattre quelque gibier pour satisfaire ce cannibale, ou bien, l’un de ces matins, monsieur ne trouvera plus que des morceaux de domestique pour le servir.

Jules Verne, Vingt mille lieues sous les mers, chapitre XXI, p.146 édition Omnibus, 2001 (1869)

mercredi 28 janvier 2015

Le goût du sang

— Ce qu'il me faudrait savoir, dit-il, c'est pourquoi on les tue et pourquoi on les emporte. Ce n'est pour voler. Ce n'est pas des assassinats de femmes puisque Bergues et, d'ailleurs, Ravanel Georges… Si on était chez les Zoulous, je dirais que c'est pour les manger… A part ça, moi, je ne vois rien.

Jean Giono, Un roi sans divertissement, p.44, Folio. 1948

Si à l'époque, on avait pu faire de la photographie en couleurs, il est incontestable que nous pourrions voir maintenant que Delphin était construit en chair rouge, en bonne viande bourrée de sang.

Ravanel Georges, si on en juge par le Ravanel qui, de nos jours, conduit les camions, avait également cet attrait. Marie Chazottes, évidemment, n'était pas grosse et rouge, mais précisément. Elle était très brune et par conséquent très blanche, mais, quelle est l'image qui vient tout de suite à l'esprit (et dont je me suis servi tout à l'heure) quand on veut indiquer tout le pétillant, tout le piquant de ces petites brunes? C'est «deux sous de poivre». Dans Marie Chazottes, nous ne trouvons pas l'abondance de sang que nous trouvons chez Ravanel (qui fut guetté), chez Delphin (qui fut tué), mais nous trouvons la qualité du sang, le vif, le feu; je ne veux pas parler du goût. Je n'ai, comme bien vous pensez, jamais goûté le sang de personne; et aussi bien, je dois vous dire que cette histoire n'est pas l'histoire d'un homme qui buvait, suçait, ou mangeait le sang (je n'aurais pas pris la peine, à notre époque, de vous parler d'un fait aussi banal), je ne veux pas parler du goût (qui doit être simplement salé), je veux dire qu'il est facile d'imaginer, compte tenu des cheveux très noirs, de la peau très blanche, du poivre de Marie Chazottes, d'imaginer que son sang était très beau. Je dis beau. Parlons en peintre.

Ibid, p.48-49, Folio. 1948

mercredi 26 novembre 2014

Limerick cannibale

Pour Pierre Boyer / Jean-Yves Pranchère, ce premier billet d'une anthologie cannibale à rassembler.
Autre exemple de forme simple, tout en fabula: les limericks d'Edward Lear :

There was an Old Man of Peru
who watched his wife making a stew:
But once by mistake
In a stove she did bake
That unfortunate man of Peru.


c'est-à-dire:

Il était une fois un vieil homme du Pérou
Qui regardait sa femme mijoter du ragoût ;
Mais un jour par erreur, la sotte
le fit blanchir à la cocotte,
Cet infortuné vieil homme du Pérou.


Racontons cette histoire comme l'aurait relaté le New York Times: «Lima, 17 mars. Hier, Alvato Gonzales, 59 ans, deux grands enfants, employé à la Peruvian Chemical Bank, a par erreur été cuisiné par sa femme, Lolita Sanchez de Medinaceli, au cours de la préparation d'un plat local typique…»

Umberto Eco, Six promenades dans les bois du roman, p.41, traduction de Myriem Bouzaher - Livre de poche, 1996

samedi 6 juillet 2013

Qu'est-ce qu'un homme ?

« Pourquoi, pourriez-vous demander à un cannibale, mangez-vous des hommes?» [Évidemment c'est une question, surtout si on est avec un cannibale!] Il vous répondrait que, en fait, ceux qui connaissent les cannibales savent qu'ils ne mangent pas d'hommes. Ils risquent d'être mis à mort sur-le-champ pour avoir attenté à la vie d'un homme. «Mais, pourriez-vous protester, je viens juste de vous voir en mettre un dans la marmite. —Ce n'était pas un homme, répondrait-il, en agitant la tête. —Qu'est-ce qu'un homme? demanderiez-vous anxieusement, conscient de l'extrême importance de la réponse à cette question… — Un membre de la tribu…»

Raymond J. Nogar, Le Seigneur de l'absurde, note manuscrite, archives de l'évêché d'Oran, dossier 79.03, cité par Pierre Claverie, Petit traité de la rencontre et du dialogue, Cerf, 2004, p.34

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