Jacques Dupont commente le discours de Paul aux Athéniens dans Les Actes des Apôtres. Il s'agit ici d'expliquer la nécessité de transposer les thèmes du discours missionnaire en fonction de l'appartenance culturelle (au sens de civilisation) de l'auditoire.
J'introduis des sauts de ligne pour faciliter la lecture.
37. Le problème qu'on soulève ici ne se pose pas uniquement à propos des discours missionnaires. Il se pose aussi, par exemple, à propos des descriptions de la communauté primitive, comme l'a bien vu récemment R.J. Karris, The Lucan Sitz im Leben: Methodology and Prospects, dans (E.G. Mac Rae ed.) Society of Biblical Literature 1976 Seminar Papers, Missoula 1976, p. 219-233 (boir 222 s.).

La manière dont Ac 2, 41-47 et 4, 32-35 présentent l'union qui existait entre les membres de la première communauté chrétienne ne pouvait pas ne pas rappeler à des lecteurs hellénistiques ce qui, dans leur milieu culturel, constituait l'idéal de l'amitié. Mais pouquoi cet appel à une image qui n'est guère en situation dans le contexte de vie de l'Église naissante? Karris pense que nous avons ici un beau cas de transposition culturelle à fin missionnaire.

En milieu juif et oriental, on n'avait aucune peine à apprécier une pratique de partage fraternel et de sollicitude à l'égard des pauvres. Le cas est tout différent dans le monde gréco-romain, où l'on n'a aucun sens des devoirs qu'on aurait à l'égard des indigents ou de personnes qui, n'appartenant pas au même groupe social, ne peuvent devenir sujets de devoirs réciproques (cf. Lc 14, 12-14).

Pour sensibiliser des lecteurs gréco-romain à ce qu'il considère comme l'idéal communautaire chrétien, Luc n'a pas trouvé de meilleur moyen que de présenter la première communauté de Jérusalem comme une réalisation de ce qu'ils considéraient comme l'idéal de l'amitié. Le vocabulaire de l'amitié permet de rendre intelligible à des gens qui ont le culte de l'amitié un idéal de fraternité et de souci des pauvres qui risquait de ne pas les toucher.

On pourrait ajouter que les sommaires des Actes n'en ont pas moins imprimé sur l'idéal communautaire chrétien des traits qui caractérisaient l'idéal grec de l'amitié. — On pourrait signaler encore la manière dont en Lc 8, 15, dans l'explication de la parabole du Semeur, la bonne terre représente ceux qui ont «un cœur beau et bon», réalisant ainsi l'idéal humaniste athénien.

Jacques Dupont, Nouvelles Études sur les Actes des Apôtres, p.389 (note de bas de page 37)