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Billets pour la catégorie Finnegans Wake :

samedi 21 janvier 2012

Journée Wake

Décryptage des carnets de Finnegans Wake dans la journée. En fait l'équipe du CNRS a trouvé une source (ie, un des livres dont proviennent les mots notés à la volée par Joyce dans ses carnets. Chaque fois que l'on trouve une source, ce sont des dizaines de mots qui soudain trouvent un sens. Trouver une source est toujours excitant, cela ressemble à trouver la clé d'un code secret), ce qui fait que nous sommes repassés sur les pages de carnet déjà déchiffrées pour vérifier les mots dans la source (The Rise of Man, du colonel Conder (étrangement je lis dans Wikipédia en faisant une recherche pour vérifier l'orthographe de son nom qu'il aurait été proposé comme une identité possible de Jack l'Eventreur. Le monde est petit.))
Je suis rassurée de constater que la plupart des mots que nous avions déchiffrés les semaines précédentes l'étaient exactement, car la lecture est réellement difficile.

Pour info, les carnets ressemblent à cela:


2011_0114_Finnegans.jpg



Soirée à la Cartoucherie pour le premier chapitre de ''Finnegans Wake'' d'après la traduction de Lavergne. Extraordinaire performance de l'acteur Sharif Andoura (c'est normal qu'il soit aussi roux pour jouer un texte de Joyce?) dont on se dit avec envie qu'il doit être un extra-terrestre.
J'aime cette intuition qu'il a que la profusion du texte sert peut-être à cacher, à noyer, quelques phrases intimes de l'auteur. (Andoura l'a dit ce soir, nous pouvous également l'entendre le dire dans la vidéo en lien.)
Allez-y sans crainte, il suffit de se laisser porter. Cela m'a rappelé un commentaire de Joyce que j'ai lu, sans doute dans Mercanton (Les heures de James Joyce): «Ulysses est un souvenir, Finnegans est un rêve, toujours au présent.» (Je résume).

Du débat qui a eu lieu après je retiendrai ces paroles très justes: «On peut passer des heures sur quelques lignes. Là, on est obligé de faire des choix et d'avancer.»

samedi 5 juin 2010

Liste des cours

Séminaire de Daniel Ferrer à l'ENS en 2010.
Des moments de bonheur pur.

9 février : présentation des carnets de Joyce et des personnages de Finnegans wake.
16 février : structure et interprétation des chapitres. Travail sur le chapitre 8 lu par Joyce.
23 février : absente.
2 mars : déchiffrage de la première page.
9 mars : l'affaire Danis Rose + début du chapitre 8.
16 mars : quelques traductions du chapitre 8.
23 mars :
30 mars :
6 avril :
13 avril :
9 mai : le chapitre 7, Shem, et la question 11 du chapitre 6. Les critiques d' Ulysses
16 mai : le chapitre II-2. Les devoirs des enfants, la leçon des enfants.

mardi 11 mai 2010

Les carnets de Finnegans Wake XI

Nous devions lire pour cette séance le chapitre 7 (1-7, selon la notation consacrée), dit le chapitre de Shem.

C'est un chapitre "facile", peut-être le plus facile avec le chapitre 8; il est possible dans faire une lecture traversante.
Shem est un peu une figure possible de Joyce. Le dégommage généralisé de Shem par Shaun dans ce chapitre ne peut être complètement sincère (puisqu'il s'agit du dégommage de Joyce par Joyce), mais la polyphonie est malgré tout beaucoup moins complexe que dans le chapitre "Tristan". On entend facilement les deux voix en contrepoint.

Le même motif intervient dans le chapitre précédent, le 1-6 (chapitre du questionnaire, ou quizz). Il est composé de douze questions (comme les douze apôtres). La douzième est très courte, la réponse aussi. La onzième est très longue, et la réponse d'une longueur équivalente à celle du chapitre Shem. Il s'agit d'une sorte de préparation du lecteur au chapitre de Shem (1-7), bien que ce soit un chapitre qui en réalité a été écrit après le suivant: la narration se tord littéralement sur elle-même.

Dans le chapitre 1-6 Shaun apparaît sous des instances diverses et notamment sous celle du professeur Jhon Jhamiesen qui dénonce Shem de façon si exagérée que cela se retourne contre lui. Ce chapitre contient plusieurs fables, dont celle opposant Brutus, Cassius et César sous la forme de Burrus, le beurre, Caseous, un fromage et un autre fromage : tout le conflit est traduit en termes de fromages.

Retour au chapitre 1-7, et plus précisément à partir de la page 185-27. (Daniel Ferrer nous recommande de nous fabriquer une réglette numérotant les lignes afin de retrouver très vite les passages sans compter les lignes.) Deux personnages prennent la parole, Justius et Mercius, la justice et la pitié. D'une certaine manière, on peut dire que Justius parle de lui à lui-même.

JUSTIUS (to himother): Brawn is my name and broad is my nature and I've breit on my brow and all's right with every feature and I'll brune this bird or Brown Bess's bung's one bandy. I'm the boy to bruise and braise. Baus! Stand forth, Nayman of Noland (for no longer will I follow you obliquelike through the inspired form of the third person singular and the moods and hesitensies of the deponent but address myself to you, with the empirative of my vendettative, provocative and out direct), stand forth, come boldly, jolly me, move me, zwilling though I am, to laughter in your true colours ere you be back for ever till I give you your talkingto! Shem Macadamson, you know me and I know you and all your shemeries. Where have you been in the uterim, enjoying yourself all the morning since your last wetbed confession? I advise you to conceal yourself, my little friend, as I have said a moment ago and put your hands in my hands and have a nightslong homely little confiteor about things. Let me see. It is looking pretty black against you, we suggest, Sheem avick. You will need all the elements in the river to clean you over it all and a fortifine popespriestpower bull of attender to booth.[...]
Finnegans Wake, p.187

"JUSTIUS (to himother)" : himother c'est à la fois la mère et lui-même, c'est aussi le frère.

Laurent Milesi (que nous avons vu précédemment) a écrit un article sur les fins et les débuts dans Finnegans Wake en montrant comment les fins annoncent les débuts. C'est particulièrement vrai si l'on examine l'enchaînement du chapitre 1-7 et 1-8 (le chapitre dit "Anna Livia").
Shem est celui qui écrit la lettre dictée par la mère, Shaun la transporte.

"Brawn is my name" : pas seulement le muscle.
Brown et Nolan sont un thème qui traverse FW. C'est un éditeur de Dublin.
mais il s'agit surtout de Bruno Nola (ou Bruno Nolan) : Giordano Bruno né à Nola, l'un des philosophes de la coïncidence des contraires. Joyce l'appelle aussi Bruno Brûlot, car brûlé par l'Inquisition.
=> Justius part en croisade contre la négativité. Il est le "Nayman of Noland", l'homme qui refuse.

Dans le carnet 6-b-6, on trouve une longue phrase qui est très vraisemblablement tirée d'ailleurs (Joyce l'ayant recopiée), mais la source demeure inconnue à ce jour: «I shall not follow him any longer through the inspired form of a 3 person but address myself to him directly...»
Dans le texte définitif cette phrase est reprise entre parenthèses et signale qu'on quitte la 3e personne. On s'adresse directement à Shem.
"obliquelike" : connotation morale (par opposition à droiture, rectitude)
"deponent" : double nature, forme active mais verbe passif
"mood" : l'humeur mais aussi les humeurs, dont il va être beaucoup question dans ce chapitre.

"hesitensies" : thème important. problème d'orthographe.
Il faut revenir à Parnell. Saint Patrick et lui sont les deux grandes gueules de l'Irlande. Souvent chez Joyce Parnell est associé au loup, car il a dit au moment de son arrestation : "don't throw me to the wolves". L'Eglise finira par abattre Parnell en prouvant son adultère avec Kitty O'Shea, mais avant cela il y avait eu une première tentative pour le discréditer. Il s'agissait de fausses lettres (forgeries) dans lesquelles Parnell semblait approuver des meurtres qui avaient eu lieu dans le Parc Phoenix. En fait elles avaient été écrites par un certain Piggott. Celui-ci fut confondu à cause d'une faute d'orthographe sur hesitancy. Cette hésitation sur "hésitation" enchanta Joyce.


L'origine des mots du carnet 6.b.6 et leur utilisation dans le texte

Dans ce chapitre Joyce a utilisé les reproches qu'on lui avait faits à propos d' Ulysses. Schaun, c'est son frère Stanislas, c'est aussi Oliver St John Gogarty (le modèle de Buck Mulligan dans Ulysses), ou encore Wyndham Lewis, un peintre moderniste que Joyce considérait comme un ami jusqu'à ce qu'il découvre son livre Time and Western Man dans lequel Lewis le critique vivement.

Je rappelle que les carnets contiennent des mots, des fragments, des phrases, et que la publication de ces carnets s'accompagne de l'identification (dans la mesure du possible) de l'origine de ces mots. Un autre pan du travail consiste à étudier l'utilisation de ces mots dans les phases successives des brouillons jusqu'à la version définitive.
Durant ce cours, Daniel Ferrer nous a montré l'origine de divers mots repris dans des articles de journaux. J'ai noté ce que je pouvais comme je pouvais.

incoherent atoms : mots notés mais non rayés dans le carnet 6.b.6 => donc non utilisé. Il provient d'un article de Virginia Woolf, Modern Fiction repris dans The Common Reader :

It is, at any rate, in some such fashion as this that we seek to define the quality which distinguishes the work of several young writers, among whom Mr. James Joyce is the most notable, from that of their predecessors. They attempt to come closer to life, and to preserve more sincerely and exactly what interests and moves them, even if to do so they must discard most of the conventions which are commonly observed by the novelist. Let us record the atoms as they fall upon the mind in the order in which they fall, let us trace the pattern, however disconnected and incoherent in appearance, which each sight or incident scores upon the consciousness.

Digression de Daniel Ferrer: «Nous avions étudié les notes de lecture de Virginia Woolf à propos d' Ulysses. Elles sont très négatives, alors qu'elle écrit finalement un article plutôt positif afin de mettre Joyce de son côté, contre la vieille garde. (À l'époque elle n'avait encore rien écrit, enfin si, La traversée des apparences qui était passé inaperçue et autre chose, de moindre intérêt. (Je ne sais pas si vous savez que les articles du TLS (Times Literary Supplement) ont été très longtemps anonymes. Ils ne sont signés que depuis une vingtaine d'années)).»

Dans les quelques lignes citées plus haut Woolf applique à Joyce les mots que la critique woolfienne applique habituellement à Virginia Woolf. A priori c'est plutôt aimable, mais Joyce a relevé "incoherent" et "atoms".

Plus loin dans le même article (Modern Fiction), Woolf note (anonymement, donc) à propos de Portrait of the Arstist as a young Man:

Indeed, we find ourselves fumbling rather awkwardly if we try to say what else we wish, and for what reason a work of such originality yet fails to compare, for we must take high examples, with Youth or The Mayor of Casterbridge. It fails because of the comparative poverty of the writer’s mind, we might say simply and have done with it.

Joyce reprend poverty of mind dans FW page 192, ligne 10 (192-10): «with a hollow voice drop of your horrible awful poverty of mind».

L'article du Sporting Times du 1er avril 1922 contre Ulysses était tellement outrancier que la librairie Shakespeare et Cie l'avait affiché à titre de publicité. Il commençait ainsi:

After a rather boresome perusal of James Joyce's Ulysses, published in Paris for private subscribers at the rate of three guineas in francs, I can realise one reason at list for Puritan America's Society for Prevention of Vice, and can undestand why the Yankee judges fined the original publication of a very rancid chapter of the Joyce stuff, which appears to have been written by a perverted lunatic who has made a speciality of the literature of the latrine.
in James Joyce, de Robert H. Deming (apparement il reprend l'article dans son entier).

=> Joyce réutilise rancid page 182-17.

L'article de Nation & Athenœum du 22 avril 1922 est également une source importante de mots désagréables :

Ulysses is, fundamentally (though it is much besides), an immense, a prodigious self-laceration, the tearing-away from himself, by a half-demented man of genius, of inhibitions and limitations which have grown to be flesh of his flesh.
toujours dans James Joyce, de Robert H. Deming

Joyce a repris semidemented p.179-25 :

It would have diverted, if ever seen, the shuddersome spectacle of this semidemented zany amid the inspissated grime of his glaucous den making believe to read his usylessly unread able Blue Book of Eccles, édition de ténèbres,

remarque: nous travaillons dans l'ordre des mots apparaissant sur le carnet, et non dans l'ordre de leur apparition dans FW.

Retour à l'article du Sporting Times : «The latter extract displays Joyce in a mood of kindergarten delicacy. The main contents of the book are enough to make a Hottentot sick»; ce qui devindra chez Joyce «their garden nursery» p.169-23.

emetic : Le Sporting Times du 1er avril 1922 déclare également : «I fancy that it would also have the very simple effect of an ordinary emetic. Ulysses is not alone sordidly pornographic, but it is intensely dull.»

(Il faut savoir que l'un des arguments utilisé par Le juge Woolsey pour autoriser Ulysses aux Etats-Unis était que le livre était plus émétique qu'érotique.)
Joyce utilise le mot emetic en 192-14,15: «pas mal de siècle, which, by the by, Reynaldo, is the ordinary emetic French for grenadier's drip».

Joyceries : vient d'un article du Sunday Express le 28 May 1922: «if Ireland were to accept the paternity of Joyce and his Dublin Joyceries ... Ireland would indeed... degenerate into a latrine and a sewer».
Joyceries est devenu Shemeries en 187- 35,36.

Asiatic. Il y a toute une thématique de l'étranger, du "bougnoule", dans ce chapitre. James Joyce finit par tout condenser p.190-36 191:

an Irish emigrant the wrong way out, sitting on your crooked sixpenny stile, an unfrillfrocked quackfriar, you (will you for the laugh of Scheekspair just help mine with the epithet?) semi-semitic serendipitist, you (thanks, I think that describes you) Europasianised Afferyank!

inspissateted : le Nation & Athenœum du 22 avril 1922: «Every thought that a super-subtle modern can think seems to be hidden somewhere in its inspissated obscurities.»
repris p.179-25. «the inspissated grime of his glaucous den making believe to read his usylessly unreadable Blue Book of Eccles,»

Blue Book : le Manchester Guardian du 15 mars 1923: «Seven hundred pages of a tome like a Blue-book are occupied with the events and sensations in one day of a renegade Jew».
On se souvient que Joyce avait demandé pour la couverture d' Ulysses le bleu du drapeau grec. Un blue book, c'est aussi un livre porno.

En fait, tout se passe comme si Shem était en train d'écrire Ulysses et Shaun en train de le lire.

millstones : the Dublin Review du 22 septembre 1922 parle de la censure bienvenue de l'Eglise catholique: «Her inquisitions, her safeguards and indexes all aim at the avoidance of the scriptural millstone, which is so richly deserved by those who offend one of her little ones».
repris ainsi par Joyce p.183-20: «unused mill and stumpling stones»
"Millstone", c'est la meule qu'on attachait au cou de ceux qui avaient fait scandale.

D'autre part, un certain docteur J.Collins, plus ou moins psychologue pré-psychanalyste, a écrit The Doctor Looks at Literature, dans lequel il cite Joyce comme l'exemple de l'écrivain plus ou moins pathologique. Selon Ellman, Collins est un modèle important pour le personnage de Shaun.


Une partie des notes prises pour Ulysses n'avaient pas été utilisées => Joyce les recycle dans FW. Il utilise également la copie de Madame Raphael. Il "n'aimait pas perdre". (On trouve dans les brouillons de Victor Hugo des phrases, des pistes empruntées et abandonnées, des débuts de romans, ce qu'il appelait "ses copeaux". Il y a là comme une générosité de la créativité, une expansivité. Rien de tel chez Joyce qui recycle tout.)
Cependant il reste des mots utilisés dans les carnets. Parfois certains posent la question à D. Ferrer: pourquoi se donner tant de mal pour éditer des carnets dont parfois seuls quelques mots ont été barrés (utilisés)... Mais tout est intéressant.
Il existe une sorte de mécanique dans l'utilisation des mots, le fait de les barrer garantit de ne pas les utiliser deux fois. Parfois Joyce se trompe (on s'en aperçoit quand on connaît bien les carnets), oublie de barrer, mais c'est assez rare.

James Joyce connaissait un certain James Steven, qui lui plaisait puisqu'il portait son prénom et celui de son personnage principal; et qui de plus était né le même jour que lui. Il lui avait proposé de terminer Finnegans à sa place, parce qu'il était malade et fatigué. Apparemment Joyce pensait vraiment qu'il y avait une méthode pour écrire FW.


Les différents stades de brouillon avant le texte définitif

passage page 185:

Primum opifex, altus prosator, ad terram viviparam et cuncti potentem sine ullo pudore nec venia, suscepto pluviali atque discinctis perizomatis, natibus nudis uti nati fuissent, sese adpropinquans, flens et gemens, in manum suam evacuavit (highly prosy, crap in his hand, sorry!), postea, animale nigro exoneratus, classicum pulsans, stercus proprium, quod appellavit deiectiones suas, in vas olim honorabile tristitiae posuit, eodem sub invocatione fratrorum geminorum Medardi et Godardi laete ac melliflue minxit, psalmum qui incipit: Lingua mea calamus scribae velociter scribentis: magna voce cantitans (did a piss, says he was dejected, asks to be exonerated), demum ex stercore turpi cum divi Orionis iucunditate mixto, cocto, frigorique exposito, encaustum sibi fecit indelibile (faked O'Ryan's, the indelible ink).

Shem fabrique de l'encre à partir de ses excréments et s'apprête à l'utiliser.
Le passage est en latin, c'est une posture fréquente, pseudo-scientifique. C'est aussi une façon de ne pas être trop explicite...
D. Ferrer ajoute: «Ça me rappelle de vieilles traductions d'Aristophane que je lisais quand j'étais jeune. Les passages un peu croustillants étaient traduits... en latin (on ne conservait pas le grec mais on ne se permettait pas le français, peut-être pour protéger les enfants s'ils tombaient dessus par hasard).»

  • Projection au tableau du manuscrit de ce passage. Il s'agit du premier brouillon connu de ce passage, à cela près qu'il est si bien écrit (régulier, sans rature) qu'il est possible qu'il y en ait eu un avant que nous ne connaissons pas.

Sur ce brouillon, le passage pious Eneas n'existe pas encore. (Attention, le texte ci-dessous est le texte définitif, pas le premier stade de brouillon que nous avons étudié en cours, à propos duquel j'ai pris quelques notes).

Then, pious Eneas, conformant to the fulminant firman which enjoins on the tremylose terrian that, when the call comes, he shall produce nichthemerically from his unheavenly body a no uncertain quantity of obscene matter not protected by copriright in the United Stars of Ourania or bedeed and bedood and bedang and bedung to him, with this double dye, brought to blood heat, gallic acid on iron ore, through the bowels of his misery, flashly, faithly, nastily, appropriately, this Esuan Menschavik and the first till last alshemist wrote over every square inch of the only foolscap available, his own body, till by its corrosive sublimation one continuous present tense integument slowly unfolded all marryvoising moodmoulded cyclewheeling history (thereby, he said, reflecting from his own individual person life unlivable, trans-accidentated through the slow fires of consciousness into a dividual chaos, perilous, potent, common to allflesh, human only, mortal) but with each word that would not pass away the squidself which he had squirtscreened from the crystalline world waned chagreenold and doriangrayer in its dudhud. This exists that isits after having been said we know. And dabal take dabnal! And the dal dabal dab aldanabal! So perhaps, agglaggagglomeratively asaspenking, after all and arklast fore arklyst on his last public misappearance, circling the square, for the deathfęte of Saint Ignaceous Poisonivy, of the Fickle Crowd (hopon the sexth day of Hogsober, killim our king, layum low!) and brandishing his bellbearing stylo, the shining keyman of the wilds of change, if what is sauce for the zassy is souse for the zazimas, the blond cop who thought it was ink was out of his depth but bright in the main.

double dye: dye and double dye : grand tain. Mais on entend aussi "dare and double dare''.

J'ai noté ici le nom d'un jeune Joycien, Finn Fordham, qui a écrit Lots of fun at Finnegans wake, mais je ne sais plus pourquoi il a été cité.''

foolscaps: c'est un format de feuille, c'est aussi le bonnet du fou. integument: une peau qui n'aurait qu'une seule face (comme une figure de Moebius). Universal history & that self which he hid from the world grew darker and darker in outlook. (il s'agit d'une citation du brouillon: pas le texte final). On a ici l'idée d'un moi caché qui se révèle en noircissant du papier. Dans le texte final cela apparaît plus loin, à propos du blond cop.

Au dos de cette page de brouillon apparaît un complément: «the reflection from his personal life transaccidentated in the slow fire of consciousness into a dividual chaos...» (J'ai copié en vitesse, il peut manquer des mots ou je peux en avoir ajouter.)
Tranaccidentated: ce serait l'inverse de la transsubstantation (ce qui en vérité ne nous éclaire guère...)
Ce passage au dos du brouillon sera ajouté entre parenthèses à la version finale.

D'autres ajouts apparaissent en marge.
through the bowels of his misery : vient quasi littéralement d'une "Vie de Saint Patrick".
La plume est aussi la clé; qui est aussi évidemment un élément pénien.
Le stylo porte des clochettes (comme le bonnet du fou).

  • Le stade suivant est le dactylogramme (la copie tapée à la machine et non plus manuscrite).

corrosive sublimation: c'est aussi la transformation des excréments en œuvre d'art, la sublimation au sens freudien.
non corrosive sublimation: voir le chapitre "Circé" dans Ulysses, à propos du fantôme de la mère de Steven.
gallic acid on iron ore : c'est réellement une méthode pour faire de l'encre (bleue)
gallic: français. acidité française? dans la façon d'écrire? => quoi qu'il en soit, dégénérescence joycienne pour les Irlandais.

sublimatioon human tegument => remplacé par sublimation one continuous present tense integument
universal history devient moodmoulded cyclewheeling history
moodmoulded = un peu moisi; cyclewheeling = ni progressif ni régressif
le moi caché devient le "moi-seiche" (the squidself) : qui se cache dans un nuage d'encre tout en se révélant dans l'écriture.
chagreenold and doriangrayer: La Peau de chagrin et Le portrait de Dorian Gray. => Le parchemin qui est sa propre peau se déroule et se réduit; il devient de plus en plus gris (poids des vices de celui qui écrit).
waned: croître et décroître.

  • Sur les épreuves, ajout de la première phrase du passage "Then, pious Eneas,"

copriright (coprophagie)
Urania : Uranie la muse de l'astronomie; Uraniens, surnom des homosexuels entre eux; urine...
copriright in the United Stars of Ourania : un problème pour Joyce. Ulysses étant interdit aux USA (à cause de son obscénité), il n'avait pas de copyright et il était paru plusieurs éditions pirates, dont certaines pas inintéressantes, mais pour la plupart de très mauvaise qualité.


Le chapitre précédent, p.126

So?
Who do you no tonigh, lazy and gentleman?
The echo is where in the back of the wodes; callhim forth! (Shaun Mac Irewick, briefdragger, for the concern of Messrs Jhon Jhamieson and Song, rated one hundrick and thin per storehundred on this nightly quisquiquock of the twelve apostrophes, set by Jockit Mic Ereweak.
James Joyce, Finnegans wake, début du chapitre 6

Je fais ce qu'il ne faut pas faire: je ne respecte pas les lignes et la pagination de l'édition papier, qui permet d'identifier précisément chaque référence (aussi intangible que la Bible, j'en suis toute émerveillée à chaque fois que j'y pense).

Jhon Jhamieson : James Joyce et un whisky bien connu.
quisquiquock : un quizz (le chapitre des quizz). douze questions comme les douze apôtres. Chaque question porte sur un des personnages principaux qui entrent en jeu dans FW.

Question 11 en bas de la page 148.

If you met on the binge a poor acheseyeld from Ailing, when the tune of his tremble shook shimmy on shin, while his countrary raged in the weak of his wailing, like a rugilant pugilant Lyon O'Lynn; if he maundered in misliness, plaining his plight or, played fox and lice, pricking and dropping hips teeth, or wringing his handcuffs for peace, the blind blighter, praying Dieuf and Domb Nostrums foh thomethinks to eath; if he weapt while he leapt and guffalled quith a quhimper, made cold blood a blue mundy and no bones without flech, taking kiss, kake or kick with a suck, sigh or simper, a diffle to larn and a dibble to lech; if the fain shinner pegged you to shave his immartial, wee skillmustered shoul with his ooh, hoodoodoo! broking wind that to wiles, woemaid sin he was partial, we don't think, Jones, we'd care to this evening, would you?

acheseyeld : exilé (phonétiquement) + mal aux yeux.
Dans ce paragraphe des échos de chansons.
La question est à peu près celle-ci: si un mendiant exilé/aveugle venait nous demander la charité, je ne pense pas qu'on lui répondrait, hein, Jones?
Et la réponse : bien sûr que non pour qui me prenez-vous?

Voir la suite et entre autres:

But before proceeding to conclusively confute this begging question it would be far fitter for you, if you dare! to hasitate to consult with and consequentially attempt at my disposale of the same dime-cash problem elsewhere naturalistically of course, from the blinkpoint of so eminent a spatialist.

conclusively confute: réfuter/conforter dans le même mot.
same dim, cash problem : c'est le temps caché
the blinkpoint: à la fois le point de vue et l'œil fermé, le point aveugle.
spatialist: l'espace contre le temps. Le spécialiste des époques, whydam Lewis (cf.ci-dessus).

Dans la suite on trouve Bitchson (Bergson, philosophe qui travaillait sur le temps, attaqué par Lewis); Winestain (tache de vin = Wiggenstein); Professor Loewy-Brueller (Lévy-Bruhl) : la réponse paraît profondément scientifique alors qu'elle est avant tout profondément sordide. La suite va continuer par une fable, " The Mookse and The Gripes", p.152, dans le genre "Le renard et les raisins". Il s'agit encore d'une lutte entre l'espace et le temps.
Les attaques continuent.

En bas de la page 160 on attaque un autre terrain. My heeders will recoil : my readers will recall.
La suite est une allusion à Pope: «Fools rush in where angels fear to tread»; les fous se précipitent où les anges n'osent poser le pied.
Mais ici le proverbe se retourne et il apparaît que les anges ont été bien bêtes.
Il s'agit d'une sottise-fiction.
hypothecated Bettlermensch : l'hypothèque du mendiant
the quickquid : fast box => se faire du blé rapidement. want ours : il en veut à notre argent
Tout ce paragraphe ne parle que d'argent. Evoque les dogmes d'Origène notamment.

Burrus and Caseous have not or not have seemaultaneously : les mêmes. Les heureux jours de la laiterie. «On régresse à pleins tubes» (D. Ferrer sic.) buy and buy (pour by and by) : toujours des problèmes d'argent.
Nous sommes en pleine utopie alimentaire.
risicide : tue le rire
obsoletely: temps passé
passably he: possibly be.
histry seeks and hidepence : seek and hide. L'argent est caché.
Duddy, Mutti : regression
twinsome bibs but hansome ates : encore les deux qui deviennent trois. Handsome is as handsome does : est bon celui qui agit bien.
shakespill and eggs : Shakespeare and eggs (à cause de: Bacon and eggs...)
I'm beyond Caesar outnullused: reprend la phrase de César Borgia: "aut Caesar aut nullus".
unbeurrable from age : insupportable avec l'âge; un fromage à manger sans beurre
pienefarte : to fart = péter
Caesar = Käse = fromage en allemand
Sweet Margareen: la conquérir avec des expressions latines.

Tout le passage n'est qu'un flot de produits laitiers et des jets d'excréments. C'est très enfantin tel que le voit une certaine psychanalyse.

mardi 16 mars 2010

Les carnets de Finnegans Wake VI : quelques traductions

J'ai de nombreux billets en retard. Arbitrairement, je place les billets FW le mardi où a eu lieu le cours.

Avertissement : billet sans queue ni tête. Si j'étais raisonnable, je ne l'écrirais pas. En effet, il s'agit de comparer cinq traductions, et je n'en ai aucune à proposer pour permettre de suivre (Si, j'en ai trouvé une sur le net.) Je mets donc ces notes en ligne à titre de souvenir d'une bonne séance, et pour quelques mots de vocabulaire (et puis on ne sait jamais à qui, à quoi, elles peuvent servir, un jour).
Nous sommes arrivés en retard, deux personnes étaient là, traducteurs de Finnegans: Laurent Milesi et Jean-Louis Giovannangeli, invités par Daniel Ferrer.
Enfin, je compte sur Patrick et Tlön pour corriger en commentaires (ce sont déjà eux qui ont retrouvé le nom des invités: non pas "work in progress", mais "work together").

le chapitre III d'Ulysses: Prothée

La recherche de "traces de Finnegans Wake" dans Ulysses n'aura pas lieu cette séance du fait de la présence des invités. Cependant nous passons malgré tout quelques minutes sur des pages manuscrites d' Ulysses.
Daniel Ferrer projette sur écran deux pages de cahier, ce qui fut longtemps le seul brouillon dont on disposait, avant la découverte récente d'un plus ancien. On dispose donc de deux états du manuscrit.
Il s'agit du chapitre III, le seul ("à ma connaissance", précise modestement Ferrer, ce qui me fait sourire) dans Ulysses à présenter un exemple de création artistique. Dans ce chapitre dit "Prothée", Steven s'essaie à la composition d'un poème.

On déchiffre péniblement le manuscrit: «he comes vampire vampire mouth to her mouth's kiss.»[1].
Le précédent brouillon nous apprend que Joyce avait pas mal hésité sur ce "mouth to her mouth's kiss", mais dans cette version du manuscrit l'expression est stabilisée.
Dans la marge on trouve une liste de mots, variations à partir d'à peu près "moongubl" (le problème du clavier, c'est qu'il oblige à choisir. Les lettres manuscrites permettent le flou).
Il s'agit de ce que les critique de Saint-John Perse appellent "des palettes": des essais de mots, comme un peintre essaierait des nuances de couleurs sur sa palette.

La marge comme la plage du texte, le texte étant la mer qui rejette le mot. La liste ressemble un peu à:
moongumb
moonghmb
et ainsi de suite, sur sept ou huit variations. Finalement Joyce choisit "moonbh" (imprononçable).
La bouche mouth, la lune moon, qui gouverne les marées et le flux menstruel féminin.
Le mot-valise disparaîtra de la version finale, que Joyce ait renoncé ou qu'il ait été corrigé par un typographe consciencieux.

Puis: «His lips lipped and mouthed fleshless lips of hair: mouth to her whomb. Oomb, allowing tomb». (version définitive, je n'ai pas copié le manuscrit).
Hélène Cixous faisait remarquer que l'anglais avait cette chance extraordinaire de pouvoir faire rimer whomb (ventre maternel) avec tomb (la tombe).
Un étudiant fait remarquer que les deux renvoie étymologiquement à un gonflement, le ventre enceint et le tumulus.
Pourquoi pas, admet Ferrer, tout en précisant que l'un est d'origine latine (tomb) et l'autre anglo-saxonne (whomb).
Dans la marge on remarque Oomb wombing ou wombmg qui se redéploie: soit deux mots se condensent, soit un mot condensé se redécompose.

Cinq traductions de Finnegans

  • en français

- Philippe Lavergne, qui l'a traduit de bout en bout (Laurent Milesi outré, une auditrice/étudiante le défendant) ;
- Beckett commence une traduction du chapitre "Anna Livia" avec Alfred Peron. Mais elle sera finalement désavouée par Joyce et non publiée.
- Une traduction de ce même chapitre est mise en chantier autour de James Joyce, Paul Léon, Eugène Jolas, Ivan Goll, Adrienne Monnier, Philippe Soupault. Elle paraîtra en 1931. Joyce venait de finir ce chapitre. C'est donc une traduction proche de ses dernières intentions (à la fois un bien et un mal, pas le temps de la décantation) que j'appellerait "traduction Joyce" ou "version Joyce".

  • en italien

- une traduction en italien en 1938, une traduction intéressante qui joue sur les différents niveaux de dialectes italiens. Joyce y a participé. En 1938 il avait plus de recul sur son propre travail.
- une autre traduction, celle de Schenoni, je pense.

Nous avons travaillé sur la première page du chapitre dit "Anna Livia" (p.196), apparemment inchangée entre 1930 et aujourd'hui (donc bien que les traductions aient des dates différentes, elles se rapportent à un même texte).
Une ou deux phrase du texte original sera lue, puis les différentes traductions.
Travailler est beaucoup dire: écouter, commenter, écouter les commentaires, les rires des trois italianisants tandis que nous les regardions avec un peu d'envie de les voir rire sans pouvoir les rejoindre...


Avertissement/conviction de Daniel Ferrer: Le dernier état d'un texte présente toutes les intentions successives de l'auteur.
bémol concernant l' Ulysses traduit par Stuart Gilbert (assistant Auguste Morel). Joyce y a participé et a tiré le texte vers les références homériques.

Traductions françaises ou italiennes: aucune ne respectent la mise en page particulière du début du chapitre, le O très rond centré en milieu de page, comme une source ou un sexe féminin.
première ligne
- Lavergne: « O Tellus» pour "O tell me". A voulu garder l'assonance. Jeu de mot sur Tellus, Telos. S'attire le mépris de Laurent Milesi: «Lavergne traduit les jeu de mots sans référence au contexte». (Ici, allusion à la terre (Tellus) alors que tout le chapitre fait référence à l'eau.)
- traduction"Joyce" : O dis-moi Anna-Livie
La valeur du O : se traduit ou pas? (ie, O ou Oh, ou Ô...)

quelques phrases plus loin: « And don't butt me — hike! — when you bend. Or whatever it was they threed to make out he thried to two in the Fiendish Park.»
"butt" : avec la tête. (''remarques notées au vol, se rapportant sans doute aux écarts de traduction, mais qui valent en elles-mêmes).
- Fiendish traduit par Inphernix (Phenix + inferno ? )
- jeu sur deux ou trois (two, three), qui ne permet pas de comprendre ce qui s'est passé (dans la version originale): insistance sur le trois dans la version "James Joyce". Le texte de Beckett est transparent, s'attarde plutôt au balbutiements: "quelquelques".

Inconvenient des langues occitones, fait remarquer Laurent Milesi: l'accent tonique est toujours sur l'avant-dernière syllabe, tandis qu'en anglais, italien, roumain, l'accent tonique se promène.

Puis quelques lignes plus bas: «I know by heart the places he likes to saale, duddurty devil!»
- «Je sais paroker les endroits qu'il aime à seillir, le mymyserable.» traduction de Joyce. Paroker: mot-valise avec perroquet.
- en italien : "macchiavole" , qui les fait beaucoup rire. Apparemment, un habile compromis entre la tache et machiavélique.

Le plurilinguisme remplace le polyglottisme. (Whattt?? Je n'ai pas posé de question, me disant qu'il y avait peut-être eu des explications au début du cours.)

traduction italienne : important travail sur Dante.

plus bas : «And the dneepers of wet and the gangres of sin in it! What was it he did a tail at all on Animal Sendai? And how long was he under loch and neagh?»

mouldaw : Moldau ; dneepers : Dniepr ; granges : le Gange - Vilaine - Duddur : rivière de Dublin (enfin, Dodder. Il y a sept rivières à Dublin.)

- Animal Sendai = animal sunday : le jour des animaux, le jour des Rameaux. version Joyce: "Fête fauve".
- loch and neagh = lock and key

plus bas : «It was put in the newses what he did, nicies and priers, the King fierceas Humphrey, with illysus distilling, exploits and all. But toms will till.»
- fierceas : fierce as => le roi comte versus
- illysus : on entend Ulysse. le fleuve du Phèdre de Platon. distilling => faux saônage en référence au sel, saulnier. La référence a été transportée de l'impôt sur l'alcool à l'impôt sur le sel.
- toms : time ; le dictionnaire/annuaire descriptif des rues de Dublin ; la tour de Cambridge au pied de la Tamise (Thames) habitée par Carroll (les cloches).

plus bas : «Temp untamed will hist for no man.»
Proverbe : Time and tide wait for no man.

plus bas : «As you spring so shall you neap.»
- neap: état de la marée, mer étale. => «Tu sèmes l'Avon et récoltes l'eaurage.»

plus bas : «Minxing marrage and making loof.»
- minx: coquine
- marrage : marée, plantage
- making loof => making love => louvoyer
=> Maréage mixte et amour thémise.

plus bas : «Reeve Gootch was right and Reeve Drughad was sinistrous!»
- reeve: dignitaire médiéval. => Sbire gauche... et sbire droit était senestre.
Drughada : ville d'Irlande (??? Rien trouvé sur Google en relisant ces notes.)

plus bas : «And the cut of him! And the strut of him!»
Et son chic! Et son tic!


Notes

[1] «He comes, pale vampire, through storm his eyes, his bat sails bloodying the sea, mouth to her mouth's kiss.» p.60 Penguin Books, p.45 édition Bodley Head

mardi 9 mars 2010

Les carnets de Finnegans Wake V

Arrivée très en retard. Merci à Tlön dont je copie/colle le résumé les notes qu'il m'a envoyées.

  • Danis Rose corrige Joyce

Émoi chez les Joyciens. Une nouvelle édition de FW (la dernière à 70 ans) sous la direction de Danis Rose et John O’Hanlon. N'est pas sans poser quelques problèmes. Ferrer quant à lui pense que c'est une erreur.
- Nouvelle pagination alors que toutes les éditions avaient la même.
- Environ 9000 corrections dans le texte (une moyenne d'une quinzaine de corrections par page). Selon l'éditeur, les erreurs proviendraient des problèmes de vue de Joyce et de fautes d'impression.
Compte tenu de la nature du texte, la notion d'erreur n'est pas évidente. "Les erreurs" ont peut-être été validées par Joyce lui même. Esthétique de l'erreur intentionnelle. Il n'existe pas vraiment de modèle originale.
Pour l'instant seule la première page est visible (je ne l'ai pas trouvé sur internet) via un prospectus envoyé à la communauté joycienne.

Examen des premières lignes:

riverrun, past Eve and Adam’s, from Swerve of shore to bend of bay, brings us by a commodius vicus of recirculation back to Howth Castle and Environs (version originale)

riverrun, past Eve and Adam’s, from swerve of shore to bend a day, brings us by a commodious vicus of recirculation back to Howth Castle & Environs (version amendée)

commodius (VO) pour commodious (VA)
and (VO) pour & (VA).

Rose s'appuie sur un placard avant prépublication dans une revue de ce qui sera le premier chapitre, placard où figurent l'esperluette et écrit à la main dans la marge (est-ce l'écriture de Joyce ou celle du secrétaire à qui il aurait dicté le texte, la question se pose) pour insertion dans le texte définitif "by a commodious vicus of recirculation". Dans les brouillons, on retrouve la version amendée par Rose.
Cependant dans les trois jeux d'épreuve avant publication définitive du livre (et corrigés par Joyce) aucune correction n'est apporté par Joyce. On peut supposer:
- que si il y avait eu erreur, Joyce aurait corrigé.
- que même si c'était une erreur, il se trouve que Joyce l'a gardée.

Différence entre étude génétique et Textual Criticism (Philologie).
Pour la première, il n'existe pas de texte stable, elle tend à déstabiliser le texte, alors que la seconde tend à fixer un texte définitif. Deux approches différentes.

Selon Ferrer, Rose n'applique pas non plus la règle philologique selon laquelle entre deux versions, il faut choisir "la plus difficile" dans la mesure où elle n'a pu être choisie que délibérément.

Je reprends la main à partir de ce point, c'est-à-dire que j'ai raté exactement l'intermède Danis Rose.
Il faut se méfier de la lectio facilior, qui tend à nous faire choisir ce que nous connaissons déjà, à rabattre le texte vers du déjà connu. Biasi pour sa part parle de "paranoïagenèse": cette impression de savoir ce qu'on va lire en tournant la page.


  • retour à l'explication des premières pages de FW

Nous nous arrêtons sur "assiegates" en deuxième page que Rose a transformé en "assiegales".

Claude Jacquet fut la fondatrice de l'équipe Item. En 1972, elle a fait paraître un essai tout à fait novateur pour l'époque, Joyce et Rabelais dans lequel elle démontrait que Joyce avait lu un livre sur Rabelais (et non Rabelais lui-même): La Langue de Rabelais de Lazare Sainéan (1922). Ce livre contient un chapitre sur l'art militaire.[1]
On trouve dans les carnets de Joyce "baddelaire" = épée (sword). Manière d'espée avec un tranchant et un dos à la manière des cimeterres turcs. => Baddelaries, déformation volontaire ou faute de frappe? (pour revenir à Danis Rose...)
J'ai noté ensuite Malachus, Verdon, qui se trouve à la suite de "Baddelaries" dans FW page 4, mais je ne sais plus à quoi ça correspond: des armes? une bataille?
Puis "assiegates" : Danis Rose l'a changé en "assiegales". Etait-ce nécessaire? Là encore, l'origine du mot remonte au vieux français, assegaie, sagaie (et j'entends "assiégés". "Gale" c'est la bise tandis que "gate" c'est le portail...)


  • Parenthèse sur les droits d'auteur

En 1994, Joyce est tombé dans le domaine public. Il y a eu un "trou", d'un an, avant une extension des droits d'auteur à 70 ans par la Communauté européenne, dans la ligne du Mickey Mouse act.
Cependant, les gens qui ont pu prouver qu'ils étaient de bonne foi et travaillaient à leurs projets bien avant de savoir que la protection des droits d'auteur allait être étendue ont eu l'autorisation de publier leurs travaux. Ils ont obtenu une compensatory licence.

Le droit des manuscrits est compliqué. Le délai de protection court à partir de la date de première publication. C'est plus compliqué pour ce qui n'a jamais été publié. Et la protection intellectuelle concerne-t-elle les traductions? (Songeons à la traduction problématique de Kafka par Alexandre Vialatte révisée par Claude David. Dès la chute du mur il est paru des traductions russes d'Ulysse dont on peut se demander si elles sont très sérieuses).

Daniel Ferrer glisse une anecdote sur la nouvelle édition d' Ulysse en folio classique. Commentant l'appareil de notes donnés dans l'édition La Pléiade, il reconnaît drôlement: «Il est vrai qu'on s'était lâché.»

Aujourd'hui, toutes les éditions se rapportent à l'édition de 1939. Changer la pagination et les mots, c'est se priver du formidable appareil critique élaboré pendant plus de cinquante ans.


  • retour au texte, à la patience dans la lecture. chapitre 8 de nouveau, dit "Anna Livia".

O tell me all about Anna Livia! I want to hear all about Anna Livia. Well, you know Anna Livia? Yes, of course, we all know Anna Livia. Tell me all. Tell me now. You'll die when you hear. Well, you know, when the old cheb went futt and did what you know. Yes, I know, go on. Wash quit and don't be dabbling. Tuck up your sleeves and loosen your talk-tapes. And don't butt me — hike! — when you bend. Or what-ever it was they threed to make out he thried to two in the Fiendish park. He's an awful old reppe. Look at the shirt of him! Look at the dirt of it! He has all my water black on me. And it steeping and stuping since this time last wik. james Joyce, Finnegans Wake p.196

Les topiques n'avancent qu'au fur à mesure qu'on avance (on ne les reconnaît et ne les identifie que lorsqu'on les a rencontrés un certain nombre de fois).
Il y a énormément d'airs d'opéra ou de chansons populaires dans FW. Pas dans "Anna Livia".

- Le début se présente en pyramide. (Ce blog ne me permet pas de reprendre la mise en page). On a récemment découvert une origine possible de cette mise en page: on a découvert que Joyce avait lu l'édition française du Coran par le Dr Mardrus. "Anna Livia se présente comme se termine le Coran.
- Cela peut représenter la source d'un fleuve qui va s'élargissant; ou la fin, en delta avant de se jeter dans la mer.
- On se souvient aussi du O au point dans le chapitre "Itaque" dans Ulysses. Mais là, ce O apparaît à la fin du chapitre.

Qui parle ici? Anna Livia (comme Molly Bloom) ne prendra la parole qu'à la fin. Ce sont les autres qui parlent d'elle.
Ces deux commères (les lavandières), dont le nom est donné ailleurs, sont aussi Shem et Shaun en train de parler de leur mère.
Rejoint également le folklore irlandais et breton : les lavandières bretonnes, présage sinistre.

O : une Origine du monde, explicite joliment Daniel Ferrer, qui nous reproche de ne pas avoir l'esprit assez mal placé. (Dans le chapitre II, S&S font des mathématiques et le triangle représente le triangle pubien).

"the old cheb went futt": "cheb" était "chap" (le gars, le type) sur le manuscrit. Phonétiquement, revient à "faire long feu".
Cheb: une rivière
vocabulaire limité, répétition de "know": "you know".
"What you know" => toujours sexuel ou scatologique.
dabbling : touche-à-tout + babbling: bavarder (babil, Babel). Et dabbling : Dublin

La base d'"Anna Livia" a été écrit d'un seul jet et peu retouché ultérieurement. Plutôt brodé et rebrodé. Ce chapitre a grossi avec le temps.

"don't butt me — hike! — when you bend."
"butt": les têtes se heurtent au-dessus du ruisseau étroit.
"when you bend": mais aussi le coude de la rivière. Très géographique.
"made herself tidal" : se faire belle et se faire marée (devenir marée (Anna Liva est aussi la rivière)).
"to join the mascarate" : le massacre et le mascaret (marée).

Quand Joyce a écrit ce chapitre il était en train de travailler à un chapitre sur Shem. Le chapitre "Anna Livia" a surgi au milieu. Le début de ce nouveau chapitre faisait partie intégrante du chapitre en cours d'écriture; il a été détaché pour devenir un chapitre à part entière.

"we all know" : chorique. La dimension de la rumeur.

"wash quit" <= "wash away" sur le manuscrit.         "futt" <= "phut" sur le manuscrit.

Joyce disposait de placards pour corriger avant la publication en revue. "Anna Livia" est le seul chapitre qui fut publié quatre fois en revue. Il fut corrigé à chaque fois.

"He thried to two" (he tried to do) : trois et deux. Pratique étrange, indéterminée, à deux, à trois : que s'est-il passé exactement? HCE et des jeunes filles? ou des soldats? Qui était voyeur? Qui faisait quoi? Flou.
Trois : c'est le nombre requis pour qu'un témoignage soit valable (en Grèce. voir aussi Suzanne et les vieillards).
+ problème œdipien%% + jumeaux.
Compter jusqu'à deux, compter jusqu'à trois, le deux qui se transforme en trois.

"Fiendish" : démoniaque (Phoenix park)

"reppe" : rivière (le viol, le rapt)

Le ruisseau se pollue par le lavage // L'innocence pervertit au contact de la civilisation urbaine.

steeping : tremper (pour laver la chemise). notion de fermenter.
stuping : stew => ragoût et stupre. Irish stew. wik : mascaret en norvégien. wake (sillage), wicked (la méchanceté), weakness (la faiblesse). Sur le manuscrit : wek et week

mardi 2 mars 2010

Les carnets de Finnegans Wake IV

Ceci est le quatrième cours du séminaire. J'ai été absente pour le troisième.

C'est un vrai plaisir de suivre Daniel Ferrer. Sa passion pour le sujet lui permet de ne pas faire cours, mais de raconter, de proposer, d'hésiter, de bafouiller. Il nous raconte Finnegans Wake, sa vie autour de Finnegans Wake, il donne l'impression que tout un réseau de limiers est lancé dans l'enquête et partage (ou pas, je suppose) les mystères élucidés. Daniel Ferrer insiste beaucoup, souvent, à sa manière hésitante, sur le fait que l'interprétation est ouverte, qu'il n'existe pas une bonne réponse, mais qu'au contraire c'est la multiplicité qui est la vérité de ce texte. Rien n'est bête, tout le monde a sa place, son mot à dire. La pièce est petite, un abri anti-atomique au second sous-sol (attendre la fin de l'hiver nucléaire en étudiant Finnegans Wake), nous sommes une poignée, deux poignées, de tous âges, toutes nationalités (J'ai cru comprendre que Ferrer espère le plus grand nombre de nationalités possibles, et un Irlandais natif). Certains sont des habitués, paraissent travailler sur Joyce depuis des années.



Quelques indications géographiques à partir d'un schéma

Le vidéoprojecteur affiche une lettre de James Joyce à Mrs Weaver dans laquelle il donne quelques clés de FW. L'intérêt de cette lettre est de fournir un schéma avec des indications géographiques, schéma que je ne peux représenter ici (d'où mon envie d'écrire ce billet), agrémenté de légendes manuscrites mal déchiffrables/mal déchiffrées (et donc tout ce que je vais écrire avec les lettres sans hésitation de ce clavier sera un quasi-mensonge).

La lettre A se trouve en haut du schéma, la lettre Z en bas, un peu en biais vers la droite. Entre les deux, une ligne en pointillé.
- Au niveau de A on déchiffre: "Hills of Howth" => la prononciation irlandaise donne à peu près "Haoueth". Joyce a donné une étymologie: "Dan Hoved" => la tête du géant dans le paysage.
- Au niveau de Z, "Magazine Hill", la colline qui surplombe Dublin (les pieds du géant?), et juste avant "Phoenix Park", le parc qui est un peu l'équivalent de notre bois de Boulogne, dans lequel HCE vit des aventures imprécises (difficiles à cerner).
- Sur la ligne en pointillé, entre les deux extrémités, "old plains of Dublin".
- On déchiffre plus ou moins sur le bord du schéma "A...Z your postcard" => il s'agit sans doute (conjecture) d'une réponse à une carte postale de Mrs Weaver demandant des explications.

Au-dessus de dessin, des mots "Mare xxxx xxxx nostrum". Le second peut-être sestrum (les sœurs?)

les deux frères,
Shem : l'écrivain
Shaun : le postier          =>l'un écrit, l'autre transporte (la lettre d'Anna Livia Plurabelle, la mère)

2 collines : la tête et les pieds de Finn Mac Coll allongé dans le paysage.

A droite de cette ligne en pointillé, une ligne continue, partant quasiment de A, d'abord en plongeant vers le sud puis en s'incurvant et prenant la direction de l'est un long moment avant de descendre vers le sud. La ligne continue alors à peu près parallèle à la ligne pointillée s'arrête au niveau de Z. Le long de cette ligne deux mots, le premier indéchiffrable, le second "Liffey", peut-être, la rivière qui traverse Dublin.
Cette ligne continue pourrait aussi bien être une côte qu'une rivière.

les allusions sexuelles : partout
a long / along => séparation/fusion

Le premier brouillon

J'indique les mots sur lesquels nous nous sommes arrêtés, et parmi ceux là, ceux pour lesquels j'ai pris des notes => il faut imaginer que la page projetée sur l'écran est entièrement écrite et que nous ne nous sommes intéressés qu'à quelques mots, représentatifs ou ayant subi des transformation avant d'arriver à la version définitive.

- "on a merry isthmus" => évoque christmas (il faut imaginer le mot écrit à la main).
- "to wielderfight his peninsulae war" => On a vu l'origine allemande de "wielderfight" [1]. Il s'agit des guerres péninsulaires. L'ombre de Wellington et de Napoléon (surtout Napoléon) sur le livre. Deviendra "penisolate", à la fois "penis" et "isolate".
- "Not pass-encore" => not a été barré, "pass" ajouté au dessus de la ligne, avec un trait, une ligature, le reliant à encore. soit "passage", "en corps"...
- "re-arrived" : (arrived sur la ligne, "re" au-dessus, en surcharge, et lié par untrait): cyclique
- "by the Oconee exaggerated" : la rivière de Dublin. thème qui devient fondamental.
- "Sham rocks" : shame (honte en anglais). Une étudiante fait remarquer que "Sham" est un mot relevé en allemand signifiant "vagin". "rocks", c'est aussi les couilles (plus tard, un auditeur rappellera l'interjection de Molly arrêtant une explication de son mari par "rocks!"). Shamrocks, c'est aussi l'emblème de l'Irlande, le trèfle, dont il est dit que Saint Patrick se servit pour expliquer la Trinité.
- "themselvesse to Laurens" => "eux-mêmes" se renverse en "autres" (else) altérité. Reprend cette vieille idée de Freud qui l'arrangeait bien que dans les langues archaïques tout mot signifiait également son contraire. (Mais on sait aujourd'hui que c'est faux).
- un peu dans la marge "from afire" : le feu de loin (a far)
- answered corrigé en "bellowed" surchargé en "bellows" => beugler, mais aussi le soufflet qui attise la flamme
- "mishe chiche" : "je suis", explication de Joyce à Mrs Weaver => peut-on y croire?
- "tufftuff" : deviendra "tauftauf" - "Patrick" => a devient e : Petrick. "peat", c'est la tourbe, brûle avec beaucoup de fumée. (Ferrer nous raconte une histoire: un Irlandais sur un champ de bataille a dans sa ligne de mire un général et s'apprête à le tuer. mais le général se met à déféquer, et l'Irlandais hésite, il ne peut tuer le général durant un geste aussi humain sans compter qu'il serait humiliant d'être trouvé mort ainsi. Mais le général se saisit d'une motte de tourbe pour s'essuyer et alors l'Irlandais offensé dans son âme irlandaise le tue sans hésiter).
- "all’s fair in vanessy", "twinsosie sesthers" : les deux amours de Swift s'appeler Esther. L'une fut surnommé Vanessa. Elle s'appelait Ester Vanhomrigh, Swift a procédé à une inversion et à un collage.
- "all’s fair in vanessy": rappelle "Vanity Fair" (la foire aux vanités) et "all is fair in war and love"
- "the story tale of the fail is retailed early in bed" => "retailde": vendre au détail, vendre sa salade.

apparté: on a retrouvé des contes écrits par Nora sous la dictée de Joyce, car Joyce était aveuglé par une opération. Cela a une influence sur l'orthographe, et donc le sens, de certains mots.

Deuxième brouillon

Commence par le signe E sur le dos (je ne peux pas le représenter avec ce clavier). C'est le signe de HCE sur le dos, les pattes en l'air. -"violers d'amor" : amour, violence, musique
- "over the short sea" => on entend "short C", un do majeur, une note brève
- "noravoice" = le nom de sa femme, Nora. hésitaiton sur la coupure. nor avoice, nora voice
- "the fall (...)" => introduit ici pour la première fois le mot de cent lettres, le tonnerre dans toutes les langues.
- of a once wallstreet oldparr" => la crise de 29? Mais écrit avant la crise!! "old par": on entend "vieux père", mais aussi "saumon", le poisson du renouveau. cyclique.

Deuxième page : décrire toutes les batailles

- "oyshygods gaggin fishigods" : ostrogoths et wisigoths. contre (gegen en allemand) ou étrangler (gagging)

Et là je me perds, quand je confronte mes notes au texte, rien n'est dans l'ordre: mes notes remontent au début du texte.
- "river" lié à "run", rajouté en ligature
- "topsawyers" => Tom Sawyer, Huckleberry Finn
- "gorgios": argot gitan. ceux qui ne sont pas des gitans. mais aussi Georgio le fils de Joyce. mais aussi le défilé (straight, narrow =>isthmus)
- Jonathan (Swift) =>"nathandjoe", nath and joe : a fait subir au prénom de Swift quelque chose d'analogue à la déformation d'Esther Vanhomrigh en Vanessa.

On reprend le début de la version définitive

- riverrun : une référence à un poème de Coleridge, Kubla Khan (1798)

In Xanadu did Kubla Khan
A stately pleasure-dome decree:
Where Alph, the sacred river, ran    => Alph = Anna Livia Plurabelle
Through caverns measureless to man
Down to a sunless sea.

- "past Eve and Adam's" : une église de Dublin.
Si l'on découpe past Eve and Adam's , on obtient "Steven", le prénom du petit-fils de Joyce, né peut après la mort du père de Joyce qui s'appelait aussi Steven (d'où cycle, renaissance, etc.)

- "Rot a peck of pa’s malt had Shem" => O Willie brew'd a peck o' maut , poème de Robert Burns en 1789. Chanson à boire (comme Finnegan's Wake. Sens des vers de la fin: "le premier qui nous quitte est une poule mouillée et un cocu, le premier qui tombe de sa chaise est roi". cf. Finnegans bourré qui tombe raide mort de son échelle et se réveille à l'odeur du whisky.).
Daniel Ferrer nous a projeté une version chantée en nous en conseillant une autre (mais pas de liaison wifi dans l'abri anti-atomique). Tlön l'a retrouvée.

- Humpty Dumpty : Il invente sa propre langue. cf le chapitre VI de Through the looking glass:

I don't know what you mean by "glory",' Alice said.
Humpty Dumpty smiled contemptuously. `Of course you don't — till I tell you. I meant "there's a nice knock-down argument for you!"'
`But "glory" doesn't mean "a nice knock-down argument",' Alice objected.
`When I use a word,' Humpty Dumpty said, in rather a scornful tone, `it means just what I choose it to mean — neither more nor less.'
`The question is,' said Alice, `whether you can make words mean so many different things.'
`The question is,' said Humpty Dumpty, `which is to be master — that's all.'
Alice was too much puzzled to say anything; so after a minute Humpty Dumpty began again. `They've a temper, some of them — particularly verbs: they're the proudest — adjectives you can do anything with, but not verbs — however, I can manage the whole lot of them! Impenetrability! That's what I say!'

=> On peut faire ce qu'on veut avec les adjectifs, les verbes résistent.

Schématiquement, le langage se déploie selon deux axes.
- syntagmatique / contiguïté
- paradigmatique / virtualité
exemple de paradigme : sujet / verbe / attribut du sujet Le sujet (et toutes les autres fonctions) peut prendre différentes valeurs: une femme, une rose, etc.

Selon Jakobson, la fonction poétique du langage consiste à projeter le paradigme sur le syntagme afin d'attirer l'attention sur le fonctionnement même du langage.

D'autres exploreront d'autres voies: par exemple Gertrudre Stein fera bégayer le paradigme ("A rose is a rose is a rose.")

Joyce
- projette le paradigme sur le syntagme, de façon démesurée (ex: le tonnerre en 100 lettres)
- ne choisit pas. mots-valises (à la Lewis Carroll). exemple: sister+ Esther = sesther

Quelques tentatives déjà présentes dans Ulysses.

Notes

[1] la semaine dernière

mardi 16 février 2010

Les carnets de Finnegans Wake II

Cette fois-ci ce sont des notes, même pas renarrativisées.

Daniel Ferrer nous a distribué divers tableaux et grilles destinés à éclairer la structure (et la diégèse) de FW. La source est un livre de Clive Hart, mais je n'ai pas noté lequel. Il est également possible qu'il y est plusieurs sources (autres que Clive Hart, je suis arrivée en retard et je n'ai rien noté).


1/ Un tableau analysant les dix-huit chapitres d' Ulysses en listant pour chacun le lieu, l'heure, l'organe (foie, parties génitales, poumons, etc), la discipline (théologie, histoire, philologie,...), la couleur, le symbole (l'héritier, le cheval, la marée, ...), la technique (narratif (jeune), catéchisme (personnel), monologue (masculin), etc.) et la correspondance entre les personnages en scène (Stephen - Télémaque - Hamlet : Buck Mulligan - Antinous : la laitière - Mentor; etc.)
Ce modèle d'Ulysses ne doit pas être surestimé car il a été construit a posteriori, cependant il est utile. Des grilles d'analyse de ce type ont été tentées concernant Finnegans Wake.

2/ Un tableau détaille les dix-sept chapitres de FW (livre I: 8 chapitres; livre II: 4; livre III:4; livre IV) par : heures de la nuit; lieux (réels et symboliques); symboles principaux; discipline (archéologie, communication, géographie,...); technique (mythe, potin, carnet de notes, émission de radio...)
Ces trois dernières colonnes d'analyse cherchent un peu trop à rabattre la structure de FW sur celle d'Ulysses. A ne pas surestimer mais utile.
Correspondance entre le temps humain, le temps mythique et l'histoire universelle.

3/ Une table de correspondances du cycle Trois plus Un.
Il s'agit d'un travail à partir de la théorie de Vico d'une histoire cyclique que Joyce avait confiée à Beckett comme étant l'une des clés possibles de FW.
Je recopie le tableau en matérialisant les colonnes par des points-virgules. Les annotations en italique sont des annotations personnelles.

Livre I; naissance; passé; or; nord; Matthieu. âge divin
Livre II; mariage; présent; argent; est; Marc. âge héroïque
Livre III; mort; futur; cuivre; est; Luc. âge humain
Livre IV; reconstitution; intemporel; acier; ouest; Jean. ricorso

- Une table de correspondances supplémentaires du cycle Trois plus Un
Livre I. 1-4; terre; mélancolique; Terre; or; printemps; nord; Matthieu.
Livre I. 5-8; eau; flegmatique; Lune; argent; été; sud; Marc.
Livre II; feu; sanguin; Vénus; cuivre; automne; est; Luc.
Livre III; air; colérique; Saturne; plomb; hiver; Jean.
Livre IV; quintessence; parfait équilibre des humeurs; Soleil; fer et or; équinoxe; centre, Assomption.


Autres pistes d'interprétation :
Le rêve. Joyce a dit que FW était le temps d'une nuit. Mais il faut regarder la date à laquelle il a dit ça.
Si rêve il y a, qui rêve? HCE? => Pas clair.

Finalement le plus utile : la table des symboles donnée la semaine dernière.
Il faut toujours se demander : «de qui s'agit-il?», même si souvent les choses se renversent les unes sur les autres.


FW n'a pas été écrit dans l'ordre. Il a été écrit par séquences, qu'on appelle des "sketches" (des esquisses).
1/ le premier sketch écrit a porté sur un dieu irlandais;
2/ puis Tristan et Iseult;
3/ puis Saint Kevin

On ne sait pas très bien ce que James Joyce comptait faire de ces sketches à l'origine. Certains ont tout de suite formé des noyaux de FW, d'autres n'ont été ajoutés qu'à la fin.

Chute: représentée par un mot de cent lettres. Bruit du tonnerre.
Le tonnerre a déclenché le langage.
Chute du maçon Finnegan.

HCE a fait quelque chose mais on ne sait pas quoi;
on ne sait pas avec qui;
on ne sait pas qui l'accuse;
mais c'était dans le bois du Phénix à Dublin. => Des rumeurs courent. Sa femme va le défendre. C'est le fameux "Mamafesta" (Livre I chapitre 5). Il s'agit d'une feuille trouvée dans le fumier. Mais il y a aussi un parallèle avec le livre de Kell (le plus célèbre des manuscrits irlandais). La lettre représente aussi le livre lui-même, c'est pour cela qu'on ne peut la connaître en entier. A la fois contenant et contenu.
On comprendra peu à peu que cette lettre a été dictée par la mère à Shem, postée par Shaun.

Livre I chapitre 6. Les quizz. Reprend tous les personnages.
Livre II : les enfants
Livre III : le livre de Shaun (Dans le courrier de Joyce, le livre III est représenté par un V inversé, suivi d'un 1, 2, 3 ou 4 en indice pour désigner les chapitres 1,2,3 ou 4).
Livre IV : le long monologue d'ALP.

Le chapitre 8 est l'un des plus faciles.
Anna Liffey = la rivière
Deux lavandières le long de la Liffey lavent le linge de la famille Earwicker. Joyce a accepté de lire un passage de ce chapitre et on en possède un enregistrement. Le texte lu est le suivant, à la fin du chapitre 8:
Well, you know or don’t you kennet or haven’t I told you every telling has a taling and that’s the he and the she of it. Look, look, the dusk is growing! My branches lofty are taking root. And my cold cher’s gone ashley. Fieluhr? Filou! What age is at? It saon is late. ’Tis endless now senne eye or erewone last saw Waterhouse’s clogh. They took it asunder, I hurd thum sigh. When will they reassemble it? O, my back, my back, my bach! I’d want to go to Aches-les-Pains. Pingpong! There’s the Belle for Sexaloitez! And Concepta de Send-us-pray! Pang! Wring out the clothes! Wring in the dew! Godavari, vert the showers! And grant thaya grace! Aman. Will we spread them here now? Ay, we will. Flip ! Spread on your bank and I’ll spread mine on mine. Flep! It’s what I’m doing. Spread ! It’s churning chill. Der went is rising. I’ll lay a few stones on the hostel sheets. A man and his bride embraced between them. Else I’d have sprinkled and folded them only. And I’ll tie my butcher’s apron here. It’s suety yet. The strollers will pass it by. Six shifts, ten kerchiefs, nine to hold to the fire and this for the code, the convent napkins, twelve, one baby’s shawl. Good mother Jossiph knows, she said. Whose head? Mutter snores? Deataceas! Wharnow are alle her childer, say? In kingdome gone or power to come or gloria be to them farther? Allalivial, allalluvial! Some here, more no more, more again lost alla stranger. I’ve heard tell that same brooch of the Shannons was married into a family in Spain. And all the Dun-ders de Dunnes in Markland’s Vineland beyond Brendan’s herring pool takes number nine in yangsee’s hats. And one of Biddy’s beads went bobbing till she rounded up lost histereve with a marigold and a cobbler’s candle in a side strain of a main drain of a manzinahurries off Bachelor’s Walk. But all that’s left to the last of the Meaghers in the loup of the years prefixed and between is one kneebuckle and two hooks in the front. Do you tell me. that now? I do in troth. Orara por Orbe and poor Las Animas! Ussa, Ulla, we’re umbas all! Mezha, didn’t you hear it a deluge of times, ufer and ufer, respund to spond? You deed, you deed! I need, I need! It’s that irrawaddyng I’ve stoke in my aars. It all but husheth the lethest zswound. Oronoko ! What’s your trouble? Is that the great Finnleader himself in his joakimono on his statue riding the high hone there forehengist? Father of Otters, it is himself! Yonne there! Isset that? On Fallareen Common? You’re thinking of Astley’s Amphitheayter where the bobby restrained you making sugarstuck pouts to the ghostwhite horse of the Peppers. Throw the cobwebs from your eyes, woman, and spread your washing proper! It’s well I know your sort of slop. Flap! Ireland sober is Ireland stiff Lord help you, Maria, full of grease, the load is with me! Your prayers. I sonht zo! Madammangut! Were you lifting your elbow, tell us, glazy cheeks, in Conway’s Carrigacurra canteen? Was I what, hobbledyhips? Flop! Your rere gait’s creakorheuman bitts your butts disagrees. Amn’t I up since the damp tawn, marthared mary allacook, with Corri-gan’s pulse and varicoarse veins, my pramaxle smashed, Alice Jane in decline and my oneeyed mongrel twice run over, soaking and bleaching boiler rags, and sweating cold, a widow like me, for to deck my tennis champion son, the laundryman with the lavandier flannels? You won your limpopo limp fron the husky hussars when Collars and Cuffs was heir to the town and your slur gave the stink to Carlow. Holy Scamander, I sar it again! Near the golden falls. Icis on us! Seints of light! Zezere! Subdue your noise, you hamble creature! What is it but a blackburry growth or the dwyergray ass them four old codgers owns. Are you meanam Tarpey and Lyons and Gregory? I meyne now, thank all, the four of them, and the roar of them, that draves that stray in the mist and old Johnny MacDougal along with them. Is that the Poolbeg flasher beyant, pharphar, or a fireboat coasting nyar the Kishtna or a glow I behold within a hedge or my Garry come back from the Indes? Wait till the honeying of the lune, love! Die eve, little eve, die! We see that wonder in your eye. We’ll meet again, we’ll part once more. The spot I’ll seek if the hour you’ll find. My chart shines high where the blue milk’s upset. Forgivemequick, I’m going! Bubye! And you, pluck your watch, forgetmenot. Your evenlode. So save to jurna’s end! My sights are swimming thicker on me by the sha-dows to this place. I sow home slowly now by own way, moy— valley way. Towy I too, rathmine.%%% >Ah, but she was the queer old skeowsha anyhow, Anna Livia, trinkettoes! And sure he was the quare old buntz too, Dear Dirty Dumpling, foostherfather of fingalls and dotthergills. Gammer and gaffer we’re all their gangsters. Hadn’t he seven dams to wive him? And every dam had her seven crutches. And every crutch had its seven hues. And each hue had a differing cry. Sudds for me and supper for you and the doctor’s bill for Joe John. Befor! Bifur! He married his markets, cheap by foul, I know, like any Etrurian Catholic Heathen, in their pinky limony creamy birnies and their turkiss indienne mauves. But at milkidmass who was the spouse? Then all that was was fair. Tys Elvenland ! Teems of times and happy returns. The seim anew. Ordovico or viricordo. Anna was, Livia is, Plurabelle’s to be. Northmen’s thing made southfolk’s place but howmulty plurators made eachone in per-son? Latin me that, my trinity scholard, out of eure sanscreed into oure eryan! Hircus Civis Eblanensis! He had buckgoat paps on him, soft ones for orphans. Ho, Lord ! Twins of his bosom. Lord save us! And ho! Hey? What all men. Hot? His tittering daugh-ters of. Whawk?%%% >Can’t hear with the waters of. The chittering waters of. Flittering bats, fieldmice bawk talk. Ho! Are you not gone ahome? What Thom Malone? Can’t hear with bawk of bats, all thim liffeying waters of. Ho, talk save us ! My foos won’t moos. I feel as old as yonder elm. A tale told of Shaun or Shem? All Livia’s daughter-sons. Dark hawks hear us. Night! Night! My ho head halls. I feel as heavy as yonder stone. Tell me of John or Shaun? Who were Shem and Shaun the living sons or daughters of? Night now! Tell me, tell me, tell me, elm! Night night! Telmetale of stem or stone. Beside the rivering waters of, hitherandthithering waters of. Night!
Ce sont aussi les quatre dernières pages de ce chapitre qui furent traduites en basic English, un langage mis au point par Ogden qui n'utilise que les 850 mots les plus courants de la langue anglaise. Le projet de ce langage semble aux antipodes du travail de FW sur les mots. Peut-être que James Joyce était conscient qu'il lui fallait un peu de publicité... (ou que ça l'amusait ou l'intéressait (remarque personnelle)).

Les carnets avec l'annotation "r" contiennent des noms de rivières (de cours d'eau) du monde entier.
Nous reprenons le début du passage et expliquons quelques mots.

"kennet" => La Kennett, rivière anglaise
"every telling has a taling" => Taling : aussi une rivière et "tail": la queue
hisheorey : theory entre his and she
L'obscurité monte // le bruit de la rivière en fait autant.
"My branches lofty are taking root" : inversion poétique, quasi miltonienne. (bizarre pour une lavandière).
"ashley" : cendre mais aussi frêne.
"Filou" : Allemands/ Français (guerre de 1914)

Comment choisir un sens parmi les sens qui s'ouvrent? Théorie des topiques : autrement dit, "de quoi ça parle?"
Dans Lector in Fabula (p.112-117) Umberto Eco donne l'exemple suivant:
- Charles promène son chien tous les soirs. Pierre aussi.
- Charles fait l'amour avec sa femme deux fois par semaine. Pierre aussi.
Le contexte permet donc aussi de comprendre un texte. Greimas a parlé d'isotopies : conglomérats créés. Umberto Eco en présente la déclinaison dans Lector in fabula. Par exemple il y a
les isotopies - discursives
- phrastiques
- paradigmatiques
- syntagmatiques
- ...
- narratives - ...
etc.

"my cold cher’s"; "Waterhouse’s clogh" : le Cher et la Clogh : encore des rivières.
"eye" : I
"senne eye or erewone" : sans que moi ni personne (traduction personnelle)
erewone : anyone ou everyone. ere: jamais. =>qui que ce soit
Sexaloitez : fête à Zurich (James Joyce est enterré à Zurich.)
Send-us-pray : Saint-Esprit (travail phonétique, par assonance).

Wring out the clothes! => the old
Wring in the dew! => the new
Encore une chanson, sur un poème de Tennysson que l'on joue traditionnellement lors du passage de l'ancienne à la nouvelle année : "Ring out the old, ring in the new". ''(J'ai choisi une adaptation moderne, ici la partition de l'hymne traditionnel.

mardi 9 février 2010

Les carnets de Finnegans Wake I

Il y a quelques temps j'avais remarqué ça, et évidemment, c'était tentant: plus facile d'aborder une montagne avec un guide.
Je me suis demandée si je ferai un compte-rendu. Non, pas le temps. Oui, réécrire, garder une trace, servir à deux ou trois personnes. Non, totalement inutile, ça traîne un peu partout sur le net et dans les livres.
Oui mais bon, de plus en plus tentant au fur à mesure que cela devient de plus en plus impossible, notes à base de commentaires de photos de lettres manuscrites que je ne peux vous montrer (il s'agit d'un cours sur les carnets de Joyce: tout est manuscrit).
Tentative de description de lettres et de retranscription de bribes d'explication.



Arrivée en retard, en retard, juste à temps pour la fin du tour de table :
— A quel titre êtes-vous là?
— Rien de particulier. Lectrice.

La pièce est petite, un abri anti-atomique au second sous-sol (attendre la fin de l'hiver nucléaire en étudiant Finnegans Wake), nous sommes une poignée, deux poignées, de tous âges, toutes nationalités (J'ai cru comprendre que Ferrer espère le plus grand nombre de nationalités possibles, et un Irlandais natif). Certains sont des habitués, paraissent travailler sur Joyce depuis des années.

Daniel Ferrer a soutenu sa thèse sur James Joyce sous la direction d'Hélène Cixous. Sa passion pour le sujet lui permet de ne pas faire cours, mais de raconter, de proposer, d'hésiter, de bafouiller. Il nous raconte Finnegans Wake, sa vie autour de Finnegans Wake. Il insiste beaucoup, souvent, à sa manière hésitante, sur le fait que l'interprétation est ouverte, qu'il n'existe pas une bonne réponse, mais qu'au contraire c'est la multiplicité qui est la vérité de ce texte. Rien n'est bête, tout le monde a sa place, son mot à dire.

Lors de ce premier cours, D. Ferrer a commencé par nous parler de peinture et de peintres, et d'un film des années 70 sur l'Action Painting qui l'avait beaucoup marqué. Comme je n'en trouve pas trace sur youtube, je me demande si je n'ai pas fait un contresens en prenant mes notes.
En effet les manuscrits de Joyce, complètement raturés avec des crayons de couleurs, font penser à l'œuvre de ces peintres. D. Ferrer projette sur écran une page des carnets de Joyce. Des mots, quelques mots, sont écrits en travers de la page. Certains, pas tous, sont barrés, en couleur. (Personnellement, je penserais plutôt à Towmbly.)

D. Ferrer nous montre également des exemples des jeux auxquels nous allons être confrontés. Par exemple :
« A king off duty and a jaw for ever! »
est en fait un vers de Keats: «A thing of beauty is a joy forever»
Cette page recense proverbes, citations, et leurs déformation.

FW est paru par fragments dans la presse plus de dix ans avant sa parution sous sa forme définitive.
Comme les textes étaient incompréhensibles et déconcertants pour les lecteurs de Joyce (les lecteurs d'Ulysses), Samuel Beckett, William Carlos William et quelques autres, sur l'instigation de James, ont débroussaillé le chemin dans un livre de commentaires/interpétation, Our Exagmination.

Le livre commence par "riverrun" et se termine par "the". Dans un article Hélène Cixous a appelé ce "the" final "l'article de la mort". Doit-on comprendre que le livre est circulaire, qu'il faut lire "the riverrun"? S'il s'agit de la même phrase, quelque chose s'est produit entre la fin et le début du livre. Car à la fin, c'est la voix d'Anna-Livia que nous entendons, la rivière qui se jette dans la mer (la voix féminine de la mère mourante), tandis qu'au début, il s'agit d'une voix neutre, la voix grave d'un historien, que par défaut (par habitude) on entend masculine. (Il y a le même phénomène dans Ulysses: voix féminine de Molly Bloom à la fin, masculine de Stephen Dedalus au début.)
Songeons également à The Tempest et les transformations homme/femme.
Comment réussir le passage de la fin au début du livre?

Il y multiplicité des voix, on entend le murmure des enfants qui chuchotent. La voix qui parle incorpore toutes sortes d'autres voix. Cela se constate matériellement dans les manuscrits.
Les carnets représentent 14000 page. Ce sont le plus souvent des notes de lectures, mais lequelles? (=> travail d'identification des lectures de Joyce. Enquête.)
Les notes sont de simples mots relevés au fur à mesure des lectures (pas de phrases, des mots), et barrés une fois utilisés.
Daniel Ferrer projette à l'écran une double page de carnet. Page de gauche «thanks a lot» a été identifié comme provenant d'Hemingway (Il me semble que c'est l'un de ses romans parisiens, Paris est une fête ou Mort dans l'après-midi, de mémoire: je n'ai pas noté.), page de droite «a little sister girl» vient de Freud, l'histoire du petit Hans dans Cinq leçons sur la psychanalyse.

La lecture de Finnegans Wake (surtout en vue d'une traduction) oblige à faire des choix parmi les sens possibles. Nous disposons de quelques explications de Joyce lui-même. En effet, il avait comme mécène Mrs Weaver, qui l'avait soutenu pour l'édition d'Ulysses et était plutôt inquiète de voir la tournure que prenait le livre suivant de Joyce (Work in progress): il fallait la rassurer, et Joyce lui a donné quelques clés.
L'une de ses clés se réfère à Giordano Bruno: tout doit évoluer en son contraire pour se réaliser.

FW mélange la vie de Porter, tenancier de pub, et les grands mythes de l'humanité. Earwicker, le nom du personnage principal, a été trouvé sur une tombe hors d'Irlande; c'est aussi un géant mythique de Dublin.
Les personnages se transforment, mais il y a des invariants de base (actants ou acteurs = ce sont avant tout des rôles). Joyce a désigné ses personnages par des sigles dans ses carnets, des sortes de symboles. Ici j'ai noté Livre I chapitre VII, mais je ne sais plus à quoi cela se rapporte: peut-être que dans ce chapitre trouve-t-on une présentation de tous les personnages? A vérifier.

Comme ce blog ne permet pas l'inclusion de symboles étranges, je photographie mes notes. (Pour obtenir un agrandissement de chaque photo, il faut agrandir la taille des caractères du texte (dans le menu), les photos s'agrandiront proportionnellement.)
Earwicker peut être représenté par trois sigles, à quatre pattes et les pattes en l'air. Isolde peut être «aux blanches mains» ou «aux longs cheveux».







Quant à l'histoire elle-même, elle fait référence à La Ballade de Finnegan racontant sa veillée mortuaire. Tim Finnegan est un maçon qui tombe de son échelle. Ses amis s'assemblent chez la veuve pour veiller le corps; une bagarre d'ivrognes se déclare, au cours de la bagarre Tim est aspergé de whisky et cela le réveille. (une version audio que j'aime bien.)

Quand on enlève l'apostrophe de la ballade (Finnegan's Wake), Finnegans devient pluriel, et ce sont tous les Finnegans qui se réveillent.

Un sigle supplémentaire apparaît sur les brouillons : un rond contenant une croix (comme le signe "plus"). On ne sait pas exactement ce que cela représente. Cela peut-être la croix que l'on trouve sur les tombeaux celtiques, et une visée de précision. Ou un kaléidoscope, des jeux de miroir.

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