Véhesse

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Billets qui ont 'Etats-Unis' comme lieu.

dimanche 30 décembre 2018

A la vôtre

Le "Shutdown" : je ne sais pas s'il y a une traduction officielle du terme en français. C'est la fermeture des administrations américaines lorsque le budget de l'année suivante n'est pas voté par 60% des sénateurs, ce qui arrive tous les ans (ou presque, je n'ai pas vérifié) depuis qu'Obama a été élu: les républicains ne supportaient pas un président noir (interprétation libre et biaisée de moi-même, je l'admets), maintenant les démocrates surveillent Trump.

Les salariés de l'administration gouvernementale (j'évite "fonctionnaires" tant le statut est différent) sont au chômag et ne sont plus payés jusqu'à ce qu'un accord soit trouvé. Cette année le vote a achoppé sur le financement du "Mur" (entre guillemets: LE mur, le célèbre mur à construire entre le Mexique et les Etats-Unis. Trump voulait cinq milliards pour le financer, il en a obtenu un.)

Donc l'administration fédérale est fermée. Une célèbre brasserie située sur une colline au dos du Capitole a proposé les cocktails suivants, à cinq dollars pour les salariés au chômage sur présentation de leur badge (c'est une brasserie très cotée, les coktails coûtent ordinairement un bras).

(Ce qui m'impressionne, c'est l'engagement de la direction. En France, les établissements ménagent la chèvre et le chou, les commerçants refusent le plus souvent d'être sur une liste électorale, etc.)


2018-1221-cocktails-shutdown.jpg




Pas Mattis à s'en faire 1
Mad Dog 20/20 & Vodka. Commandez-le, buvez-le et partez.

Mexico paiera pour ça 2
Tequila bleue Montezuma, jus d'orange, grenadine.

L'affaire du bain moussant 3
Bourbon, jus de citron, soda, un goût de récusation.

La bourgeoisie AOC 4
Champagne brut, pêche, chaleur porto-ricaine.

Pétarade au mur-frontière 5
Téquila, liqueur Galliano, jus d'orange, ajoutez des glaçons.

Butina on the rocks 6
Vodka Stolichnaya, bière au gingembre, sucre liquide, framboises.

La coupe de Stephen Miller 7
Fin, tonic, liqueur St Germain et aucun remord (un trait du vin de la maison).



Notes :
1 : référence à la démission du secrétaire à la Défense James Mattis, considéré comme le pôle stable de la Maison blanche. Cette démission suscite l'inquiétude mondiale.

2 : cela vaut à peine une note (mais j'écris pour plus tard): référence au mur anti-immigration que Trump a juré de construire entre le Mexique et les USA — en le faisant financer par le Mexique.

3 : à l'origine, un fait divers dans l'Ohio: une prisonnière s'est échappée de prison et a été retrouvée dans un bain chaud dans une maison de retraite sans que personne n'explique cette situation. C'est devenu un podcast d'actualités anti-Trump: «Le ministère de la justice a accusé le Président d'avoir dirigé des manœuvres pour manipuler les élections de 2016; Mueller [directeur du FBI entre 2001 et 2013 et procureur chargé de l'enquête dans cette affaire] a révélé de nouvelles connections entre le gouvernement russe et la campagne de Trump; le Président se débat pour conserver des équipes dans son administration.»

4 : Référence à l'attaque trumpienne contre les vins français.

5 : jeu de mot sur "wall banger" / Wallbanger, un cocktail existant.

6 : Maria Butina, espionne russe aux Etats-Unis qui a plaidé coupable le 13 décembre 2018.

7 : Stephen Miller est l'inspirateur des mesures anti-immigration les plus brutales. Il est apparu avec une nouvelle implantation de cheveux et les anti-Trump s'en moquent sur le thème «Trump n'aime pas les coupes ridicules, il va sans doute virer Miller» (voir ici à partir de cinq minutes).


Et je me dis que ce qui nous manque en France ce sont des journalistes pros ET drôles.

dimanche 29 janvier 2017

Les six premiers jours de la fin du monde et du début de la résistance

Les sigles ne sont pas traduisibles tels quels, et parfois ils ne correspondent à aucune notion en français. En cas de doute je suis restée au plus près (office par bureau, agence par agence, etc). Cette liste a été publiée par un ami à et de Philadelphie. Les notes sont de mon fait.
Vous trouverez en fin de billet le texte en anglais.

Le 19 janvier 2017, DT annonce qu'il coupera les fonds des programmes du Département de la Justice consacrés à la lutte contre les violences faites aux femmes.
Le 19 janvier 2017, DT annonce qu'il coupera les fonds du Fonds national pour les arts.
Le 19 janvier 2017, DT annonce qu'il coupera les fonds du Fonds national pour les humanités1.
Le 19 janvier 2017, DT annonce qu'il coupera les fonds de la Corporation pour l'audiovisuel public.
Le 19 janvier 2017, DT annonce qu'il coupera les fonds de l'Agence pour le développement des entreprises fondées par des personnes appartenant aux minorités2.
Le 19 janvier 2017, DT annonce qu'il coupera les fonds de l'Administration pour le développement économique.3.
Le 19 janvier 2017, DT annonce qu'il coupera les fonds de l'Administration pour le commerce international.4.
Le 19 janvier 2017, DT annonce qu'il coupera les fonds du Partenariat pour l'extension des manufactures5.
Le 19 janvier 2017, DT annonce qu'il coupera les fonds du Bureau de la police de proximité6.
Le 19 janvier 2017, DT annonce qu'il coupera les fonds de l'aide juridictionnelle.
Le 19 janvier 2017, DT annonce qu'il coupera les fonds de la Division des droits civils7 du Département de la Justice.
Le 19 janvier 2017, DT annonce qu'il coupera les fonds de la Division des ressources naturelles et environnementales8 du Département de la Justice.
Le 19 janvier 2017, DT annonce qu'il coupera les fonds de la Corporation pour les investissements outre-mer9.
Le 19 janvier 2017, DT annonce qu'il coupera les fonds du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat des Nations-Unies.
Le 19 janvier 2017, DT annonce qu'il coupera les fonds du Bureau de la productivité de l'électricité et de la fiabilité énergétique10.
Le 19 janvier 2017, DT annonce qu'il coupera les fonds du Bureau de l'efficacité énergétique et de l'énergie renouvelable11.
Le 19 janvier 2017, DT annonce qu'il coupera les fonds du Bureau des énergies fossiles.

Le 20 janvier 2017, DT ordonne le gel du pouvoir réglementaire de toutes les agences fédérales.
Le 20 janvier 2017, DT ordonne au service des parcs nationaux d'arrêter d'utiliser les médias sociaux après que celui-ci ait retweeté des photos factuelles montrant côte à côte les foules assistant à l'investiture présidentielle en 2009 et 2017.
Le 20 janvier 2017, environ 230 manifestants anti-Trump sont arrêtés à Washington DC et sont poursuivis pour émeute criminelle, un chef d'accusation sans précédent. Parmi eux se trouvent des observateurs officiels, des journalistes et des médecins.
Le 20 janvier 2017, un membre des Travailleurs Internationaux du Monde (IWW) est blessé par balle à l'abdomen lors d'une manifestation anti-fasciste à Seattle. Il est dans un état critique.

Le 21 janvier 2017, DT se fait accompagner à une réunion avec la CIA par quarante groupies pour l'applaudir durant un discours qui consiste presque exclusivement à se décrire comme la victime d'une presse malhonnête.
Le 21 janvier 2017, le porte-parole de la Maison Blanche Sean Spicer tient une conférence de presse destinée principalement à attaquer la presse pour avoir montré avec exactitude la taille de la foule présente à la cérémonie d'investiture, affirmant que la cérémonie avait rassemblé la plus grande assistance de l'histoire, "point barre".

Le 22 janvier 2017, au cours d'un journal télévisé national, la conseillère de la Maison Blanche Kellyanne Conway défend les mensonges de Spicer, les appelant des "faits alternatifs"12.
Le 22 janvier 2017, durant une réunion DT semble souffler un baiser vers le directeur du FBI James Comey puis ouvre ses bras dans un geste d'étrange affection paternelle avant de le serrer dans ses bras en lui tapant le dos.

Le 23 janvier 2017, DT remet en cours la règle du bâillon mondial qui retire tout fonds aux organisations internationales qui mentionnent l'avortement, même en tant qu'option médicale.
Le 23 janvier 2017, Spicer annonce que les Etats-Unis ne tolèreront pas l'expansion chinoise dans les îles de la mer de Chine méridionale, faisant planer la menace d'une guerre avec la Chine.
Le 23 janvier 2017, DT répète le mensonge suivant lequel le vote "illégal" de trois à cinq millions de personnes lui a coûté le vote populaire.
Le 23 janvier 2017, on apprend que l'homme qui avait tiré sur le manifestant anti-fasciste à Seattle est relâché sans charge, bien qu'il se soit rendu de lui-même.

Le 24 janvier 2017, Spicer réitére le mensonge suivant lequel le vote "illégal" de trois à cinq millions de personnes a coûté le vote populaire à DT.
Le 24 janvier 2017, DT twitte sur son compte personnel Twitter une photo dont il dit qu'elle représente la foule à son investiture et qu'elle serait affichée dans la salle de presse de la Maison blanche. Bizarrement, cette photo est datée du 21 janvier 2017, le jour D'APRÈS l'investiture et le jour de la Marche des femmes, la plus grande manifestation de protestation de l'histoire contre une investiture.
Le 24 janvier 2017, l'agence pour la protection de l'environnement reçoit l'ordre de ne plus communiquer avec le public via les réseaux sociaux ou la presse et de geler toutes ses subventions et contrats.
Le 24 janvier 2017, le département de l'agriculture reçoit l'ordre de ne plus communiquer avec le public via les réseaux sociaux ou la presse et de ne plus publier aucun article ou résultat de recherche. D'autre part, toute communication avec la presse devra être autorisée par la Maison blanche et soumise à son droit de veto.
Le 24 janvier 2017, HR7, une loi qui prohibera toute subvention fédérale non seulement aux pourvoyeurs d'avortement, mais aussi aux couvertures assurancielles, y compris Medicaid, qui couvrent les frais d'IVG, est déposée à la chambre pour être soumise au vote.
Le 24 janvier 2017, le directeur du Département de la Santé et des services à la personne Tom Price qualifie "d'absurdes" les principes fédéraux concernant l'égalité des transgenres.
Le 24 janvier 2017, DT ordonne la reprise de la construction du Dakota Access Pipeline tandis que le congrès du Dakota Nord étudie une loi qui légaliserait le fait d'écraser en voiture des manifestants sur la route.
Le 24 janvier 2017, on découvre que les officiers de police ont utilisé des portables confisqués pour fouiller dans les emails et messages des 230 manifestants maintenant inculpés d'émeute criminelle pour avoir manifesté le 20 janvier, y compris les emails d'avocats et de journalistes qui contiennent des informations confidentielles de clients et d'informateurs.

Et le 25 janvier 2017, le mur et le bannissement des musulmans.
Voici à quoi ressemble la dictature au bout de six jours.


Cette liste a été publiée par un ami à et de Philadelphie. Je l'ai traduite quelques jours plus tard, le week-end. J'ajoute donc, en cette soirée du 29 janvier, que les aéroports se sont retrouvés dans la tourmente et qu'un juge courageux tient tête. (Il faudrait tout traduire.)


Note
1 : Pas d'équivalent français. Le NEH offre des financements pour certains projets à des institutions culturelles tels que musées, centres d'archives, bibliothèques, lycées, universités, télévisions publiques, stations de radio et également à des étudiants-chercheurs (traduit d'après wikipedia anglais).
2 : Je mets ici le lien vers l'agence elle-même. J'ai peur que le site ne disparaisse. C'est une agence gouvernementale fondée par Nixon faisant partie du Département du Commerce.
3 : Il s'agit d'aider les Etats et les villes ainsi que les individus vivant dans des zones peu favorisées à développer une croissance et des emplois durables.
4 : Cette administration soutient les entreprises américaines qui veulent se développer à l'export.
5 : Manufacturing : fabrication? Il s'agit d'encourager les partenariats entre PME des cinquante Etats plus Porto-Rico. Il s'agit également de partenariats public-privé.
6 : Ce bureau encourage et met en place des actions de prévention. L'abréviation donne "COPs".
7 : Créée en 1957, cette division lutte contre les discriminations fondées sur la race, la couleur, le sexe, le handicap, la religion, le statut familial et l'origine nationale.
8 : Cette division lutte par exemple contre la pollution de l'air ou de l'eau.
9 : Je ne suis pas sûre de comprendre: entre aide pratique, au niveau des entreprises, aux pays en voie de développement et outil de mainmise sur les ressources à l'étranger? Mais en est-il jamais autrement pour ce genre d'aide?
10 : Je n'ai pas osé traduire "de la transition énergétique", mais j'ai l'impression que c'est ça.
11 : ou plutôt celui-ci? Ici il y a peut-être réellement un intérêt de fondre les deux pour plus d'efficacité (mais dans la mesure où les deux s'opposent au pétrole, je doute que ce soit le but de Trump).
12 : Cette expression fait exploser les ventes de 1984 de George Orwell.


* On January 19th, 2017, DT said that he would cut funding for the DOJ’s Violence Against Women programs.
* On January 19th, 2017, DT said that he would cut funding for the National Endowment for the Arts.
* On January 19th, 2017, DT said that he would cut funding for the National Endowment for the Humanities.
* On January 19th, 2017, DT said that he would cut funding for the Corporation for Public Broadcasting.
* On January 19th, 2017, DT said that he would cut funding for the Minority Business Development Agency.
* On January 19th, 2017, DT said that he would cut funding for the Economic Development Administration.
* On January 19th, 2017, DT said that he would cut funding for the International Trade Administration.
* On January 19th, 2017, DT said that he would cut funding for the Manufacturing Extension Partnership.
* On January 19th, 2017, DT said that he would cut funding for the Office of Community Oriented Policing Services.
* On January 19th, 2017, DT said that he would cut funding for the Legal Services Corporation.
* On January 19th, 2017, DT said that he would cut funding for the Civil Rights Division of the DOJ.
* On January 19th, 2017, DT said that he would cut funding for the Environmental and Natural Resources Division of the DOJ.
* On January 19th, 2017, DT said that he would cut funding for the Overseas Private Investment Corporation.
* On January 19th, 2017, DT said that he would cut funding for the UN Intergovernmental Panel on Climate Change.
* On January 19th, 2017, DT said that he would cut funding for the Office of Electricity Deliverability and Energy Reliability.
* On January 19th, 2017, DT said that he would cut funding for the Office of Energy Efficiency and Renewable Energy.
* On January 19th, 2017, DT said that he would cut funding for the Office of Fossil Energy.
* On January 20th, 2017, DT ordered all regulatory powers of all federal agencies frozen.
* On January 20th, 2017, DT ordered the National Parks Service to stop using social media after RTing factual, side by side photos of the crowds for the 2009 and 2017 inaugurations.
* On January 20th, 2017, roughly 230 protestors were arrested in DC and face unprecedented felony riot charges. Among them were legal observers, journalists, and medics.
* On January 20th, 2017, a member of the International Workers of the World was shot in the stomach at an anti-fascist protest in Seattle. He remains in critical condition.
* On January 21st, 2017, DT brought a group of 40 cheerleaders to a meeting with the CIA to cheer for him during a speech that consisted almost entirely of framing himself as the victim of dishonest press.
* On January 21st, 2017, White House Press Secretary Sean Spicer held a press conference largely to attack the press for accurately reporting the size of attendance at the inaugural festivities, saying that the inauguration had the largest audience of any in history, “period.”
* On January 22nd, 2017, White House advisor Kellyann Conway defended Spicer’s lies as “alternative facts” on national television news.
* On January 22nd, 2017, DT appeared to blow a kiss to director James Comey during a meeting with the FBI, and then opened his arms in a gesture of strange, paternal affection, before hugging him with a pat on the back.
* On January 23rd, 2017, DT reinstated the global gag order, which defunds international organizations that even mention abortion as a medical option.
* On January 23rd, 2017, Spicer said that the US will not tolerate China’s expansion onto islands in the South China Sea, essentially threatening war with China.
* On January 23rd, 2017, DT repeated the lie that 3-5 million people voted “illegally” thus costing him the popular vote.
* On January 23rd, 2017, it was announced that the man who shot the anti-fascist protester in Seattle was released without charges, despite turning himself in.
* On January 24th, 2017, Spicer reiterated the lie that 3-5 million people voted “illegally” thus costing DT the popular vote.
* On January 24th, 2017, DT tweeted a picture from his personal Twitter account of a photo he says depicts the crowd at his inauguration and will hang in the White House press room. The photo is curiously dated January 21st, 2017, the day AFTER the inauguration and the day of the Women’s March, the largest inauguration related protest in history.
* On January 24th, 2017, the EPA was ordered to stop communicating with the public through social media or the press and to freeze all grants and contracts.
* On January 24th, 2017, the USDA was ordered to stop communicating with the public through social media or the press and to stop publishing any papers or research. All communication with the press would also have to be authorized and vetted by the White House.
* On January 24th, 2017, HR7, a bill that would prohibit federal funding not only to abortion service providers, but to any insurance coverage, including Medicaid, that provides abortion coverage, went to the floor of the House for a vote.
* On January 24th, 2017, Director of the Department of Health and Human Service nominee Tom Price characterized federal guidelines on transgender equality as “absurd.”
* On January 24th, 2017, DT ordered the resumption of construction on the Dakota Access Pipeline, while the North Dakota state congress considers a bill that would legalize hitting and killing protestors with cars if they are on roadways.
* On January 24th, 2017, it was discovered that police officers had used confiscated cell phones to search the emails and messages of the 230 demonstrators now facing felony riot charges for protesting on January 20th, including lawyers and journalists whose email accounts contain privileged information of clients and sources.
* And January 25th, 2017, the wall and a Muslim ban.
This is what a dictatorship looks like, and we're only on day 6.

jeudi 30 mai 2013

D'Abattoir 5 à Harry Potter en un coup

Je lis le blog Letters of Note qui reprend des lettres d'écrivains ou de personnes célèbres. (Il faudrait les traduire. Parfois je me dis que je devrais juste consacrer mon temps à traduire ce que j'aime pour le mettre à disposition du web français. J'adorerais cela.)

Hier j'ai trouvé ainsi une lettre de Kurt Vonnegut. C'est la lettre qu'il écrivit à ses parents pour les prévenir qu'il était vivant, qu'il avait été fait prisonnier par les Allemands et emprisonné dans un abattoir souterrain à Dresdes, qu'il avait échappé à la mort en de multiples occasions et que libéré, il ne tarderait pas à rentrer.
Il s'avère que c'est le cœur de ce qui allait devenir Abattoir 5.

D'Abattoir 5, je me souvenais vaguement avoir appris un jour (mais comment? c'était avant internet) qu'il avait été brûlé dans plusieurs villes des Etats-Unis, et comme cela me paraissait parfaitement incroyable et délicieusement sulfureux, avoir emprunté alors Petit Déjeuner des champions —Oui, ce n'est pas le même livre. Je suppose qu'Abattoir 5 n'était pas disponible en bibliothèque; cela doit faire vingt ans, je ne me souviens plus des détails.— Mais je me souviens aussi que je n'ai pas dépassé quelques pages, je n'en sais plus les raisons précises: un livre un peu ennuyeux; j'avais sans doute d'autres choses à faire ou à lire.

Toujours est-il que j'ai voulu vérifier cette histoire de livre bûlé: avais-je rêvé, mes souvenirs avaient-ils déformé la réalité comme souvent?

J'ai eu du mal à trouver ce que je cherchais, sans doute parce que je n'utilise pas les bons mots clés dans Google.
Cela m'a permis de trouver un article très récent et en français sur le blog biblio|ê|thique (éthique & bibliothèques, tout un programme) qui raconte qu'un lycée du Missouri ayant décidé de retirer du programme et de la bibliothèque Abattoir 5, le musée Kurt Vonnegut proposa aux lycéens qui en feraient la demande de le leur envoyer gratuitement.

Et à mon ravissement, ce billet donne la liste des romans du XXe siècle les plus contestés ou mis à l'index, liste établie par le Radcliffe Publishing Course (apparemment une célèbre formation pour les futurs éditeurs, formation qui aurait été absorbée récemment par l'école de journalisme de Columbia) (si je fais un contresens, laissez un commentaire, je corrigerai).

Cela m'a permis de découvrir avec stupeur que certaines églises (majuscule ou pas?) appellent à brûler Harry Potter. Je traduis les premières lignes:
Brûler des livres n'est pas quelque chose de neuf pour les Vrais Chrétiens [True Christians®]. Nous avons inventé cette pratique il y a plus de deux mille ans afin de rendre gloire à notre Seigneur Jésus. Dans les premiers jours de la chrétienté, quand se convertissaient les nouveaux croyants au Christ, ceux-ci étaient naturellement portés par le Saint Esprit à s'emparer d'autant de livres qu'ils le pouvaient afin de les jeter au feu. A la différence des faux chrétiens vraies lavettes «Dieu est amour» (que déteste autant Jésus Christ que nous-mêmes) que nous voyons se multiplier autour de nous en ces jours, les premiers suiveurs du Christ n'eurent jamais honte de brûler des livres.
WTF, OMG, etc. ô_O
(Résistance !)

vendredi 25 février 2011

Préface d'Hélène Philippe aux "Lettres à sa fille" de Calamity Jane

Les Lettres à sa fille de Calamity Jane sont aujourd'hui disponibles aux éditions Rivages. En 1986 ou 1987 je les ai lues en poche, dans la collection Points-virgule du Seuil. Dans cette édition, elles étaient précédées d'une préface qui me paraît importante pour (mieux) les comprendre.

Je la reproduis ici car je pense qu'elle n'est plus disponible.
(Je rappelle qu'il suffit d'appuyer sur l'imprimante dans la marge de droite pour obtenir un pdf plus facile à lire à l'écran.)

On l'appelait Calamité...
Martha Jane Cannary, dite « Calamity Jane », est née à Princeton dans le Missouri, en 1852. Elle était l'aînée de cinq enfants, et fille de pionniers. Son père, Robert Cannary, qu'elle présente dans ses lettres une Bible à la main, était probablement de religion mormone1. Il décida en 1860 de rejoindre avec sa famille la ville de Sait Lake City. Cinq mois furent nécessaires pour couvrir les deux mille cinq cents kilomètres, à travers des Etats que Jane sillonnerait plus tard et marquerait de ses exploits... Sa mère, Charlotte Cannary, mourut pendant le trajet.

On raconte que, très jeune, Calamity Jane eut sa part dans les tâches familiales, et qu'elle apprit aussi très vite à monter à cheval et tirer à la carabine. Mais elle commença à faire vraiment preuve d'originalité lorsque, à quinze ans, orpheline, elle dut subvenir à ses propres besoins : un peu partout sur les territoires des futurs Wyoming, Dakota et Montana, on commença alors à repérer le passage de cette étrange jeune fille qui avait eu l'audace de choisir, outre un bon cheval et un bon fusil, une vie itinérante et solitaire. Disons-le, les témoignages et les documents recueillis à son sujet sont dans l'ensemble très approximatifs et sujets à caution. De surcroît, Calamity Jane a contribué elle-même à semer la confusion dans les esprits, car, si elle n'hésita jamais à donner une bonne raclée aux colporteurs de ragots fielleux, elle s'amusa souvent de certaines fables rapportées sur son compte, qu'elle s'appropriait et racontait à son tour:
«Un nommé Mulog me demande l'histoire de ma vie et tu aurais dû entendre les mensonges que je lui ai racontés (…). S'il veut imprimer des mensonges pour en tirer de l'argent, c'est son affaire. J'ai fait celle qui savait à peine écrire. Comme histoire de ma vie ce sera donc soigné.» (Lettre à sa fille du 20 janvier 19202.)

En fait elle s'engagea dans les équipes de poseurs de rails de la Northern Pacific Railroad3, dans les éclaireurs de l'armée, ou encore dans les convoyeurs. Elle travailla aussi pour les relais postaux. Tout cela à une époque où une femme ne se mettait jamais en pantalon, ne fumait ni ne buvait d'alcool, et n'entrait dans les saloons que comme entraîneuse ou prostituée ! Quand on sait qu'en 1877, une jeune femme fut condamnée à dix dollars d'amende, à Cheyenne (Wyoming), pour être sortie dans la rue en habits d'homme, on imagine la panique, voire la haine que provoquèrent les excentricités de Calamity Jane au milieu de ces populations puritaines! Son arrivée ne laissait jamais indifférents les occupants d'un fort ou les habitants d'une ville, qu'elle fût effectivement reçue comme une calamité, ou accueillie en «reine des plaines».

«Je fus baptisée Calamity Jane à Goose Creek (Wyoming) » — dit-elle dans son Autobiographie — « à l'emplacement actuel de la ville de Sheridan. Le capitaine Egan y était commandant. Nous avions reçu l'ordre de dénicher les Indiens et étions à l'extérieur du fort depuis quelques jours. Nous avions eu de nombreuses escarmouches au cours desquelles plusieurs soldats furent tués et d'autres sévèrement blessés. En retournant au fort, nous tombâmes dans une embuscade à deux kilomètres environ de notre destination. Lorsqu'on fit feu sur le capitaine Egan, je chevauchais à l'avant, et en entendant la fusillade, je me retournai et vis le capitaine tournoyant sur sa selle, prêt à tomber. Je fis demi-tour et galopai jusqu'à lui le plus vite que je pus, je le rattrapai juste comme il tombait. Je le soulevai et le posai sur mon cheval devant moi et réussis à le conduire jusqu'au fort sain et sauf. Le capitaine Egan en revenant à lui me dit en riant: "Je vous nomme Calamity Jane, héroïne des plaines."»

Ses activités au sein de l'armée furent, du reste, très controversées. Elle aurait travaillé comme éclaireuse4 du général Custer, dans l'Arizona, puis du général Crook dans les Black Hills: dernier bastion de la Conquête vers l'Ouest. Convoitée par les Blancs pour ses mines d'or, cette région appartenait encore aux Sioux en 1875. Le travail d'éclaireur consistait à repérer les Indiens, évaluer leur nombre et leurs forces, et transmettre ces informations à l'état-major du corps expéditionnaire. Ces missions demandaient une parfaite connaissance des tactiques indiennes, et des territoires explorés, en plus d'une témérité à toute épreuve. Les éclaireurs étaient souvent des métis, et tous avaient une réputation de grand courage, sinon d'héroïsme; un seul d'entre eux fut une héroïne! Le fait est frappant: de Calamity Jane, la postérité a volontiers retenu la photo qui la représente en costume d'éclaireuse.

Pourtant, dès 1876, sa réputation d'alcoolique commençait à se répandre. Elle avait alors vingt-quatre ans. Cette date correspond à la mort de James Butler Hickok, surnommé «Wild Bill», tueur de grande renommée, auquel elle affirme avoir été mariée. Cet homme avait la réputation de ne tirer que dans le but de tuer, et de ne jamais rater sa cible. Entre 1870, année présumée de leur première rencontre, et 1873, année de la naissance de sa fille Janey, Calamity vécut le plus souvent à Abilene (Kansas), ancienne ville frontière, célèbre pour la violence qui y régnait, et où Wild Bill était alors Marshall5. On raconte que celui-ci, ne voulant pas se compromettre avec une telle femme, gardait leur relation secrète. Il partit d'ailleurs pour l'Est, où il épousa une show-girl, Agnès Lake.
Un an environ après son accouchement, Calamity Jane, restée seule, confia son bébé à deux voyageurs originaires de l'Est : Jim et Helen O'Neil. Elle ne retrouva Wild Bill que trois ans plus tard, en 1876, sur la route de Fort Laramie à Deadwood (Dakota du Sud)6. Leur arrivée dans la ville fut plutôt remarquée. Un groupe d'hommes les accompagnait et Calamity Jane se faisait passer pour l'associée de Wild Bill, le Valet de Carreaux.

C'est peu de temps après, le 2 août 1876, que Wild Bill fut abattu dans le dos, pendant une partie de poker: on aurait payé un certain John Mac Call pour se débarrasser de lui. La mort brutale de celui qu'elle aimait, et admirait, marque un tournant décisif dans la vie de Calamity Jane. Cette déchirure ravivait une douleur toute fraîche: la séparation d'avec son enfant, deux ans auparavant. Elle avait voulu pour sa petite fille la douceur d'une famille stable et les moyens matériels d'une éducation solide; autant d'atouts qui n'étaient pas dans son jeu et dont elle payait maintenant le tribut à la solitude. Cette double coupure justifie sans doute la naissance d'un violent désir d'écrire pour se confier, et d'une non moins violente envie de boire pour oublier.
«Il m'arrive parfois d'être un peu ivre, Janey, mais je ne fais de mal à personne. Il faut que je fasse quelque chose pour vous oublier, ton père et toi, mais je ne suis pas une femme légère, Janey ; si j'en étais une, je ne serais ni infirmière, ni éclaireuse, ni conductrice de diligence. » (Lettre, janvier 1882.)

En 1878, Calamity Jane se rendit célèbre dans la toute récente ville de Deadwood, en acceptant de soigner pendant plusieurs semaines les habitants atteints de variole, et mis en quarantaine. Cette maladie fut un fléau dans l'histoire de l'Ouest: on compte que la variole réduisit de moitié la population indienne au cours du xixe siècle. Soigner des personnes contagieuses inspirait énormément de respect et d'estime; Calamity Jane s'illustra à maintes occasions dans son talent d'infirmière. Femme secourable, elle prit également en charge, pendant quelque temps, plusieurs enfants qu'il lui arrivait de faire passer pour les siens.

Durant les années 80, elle se déplaça beaucoup. Tous les journaux de l'époque témoignent de son passage dans telle ville du Montana, du Nebraska, de l'Orégon même et du Texas! Dans toutes ces allées et venues, on situe mal la date de son mariage avec Charley Burke, qu'elle mentionne dans son Autobiographie, prétendant l'avoir épousé en août 1885 (ce qui ne correspond pas à la date indiquée dans ses lettres). Elle précise qu'elle avait «encore de longues années à vivre seule, et qu'il était temps de prendre un partenaire pour le reste de ses jours». Selon les journaux de l'époque, elle fut mariée à plusieurs autres hommes. On raconte qu'elle prit un ranch dans la «Yellowstone Valley», près de Mile City, puis qu'elle vécut avec un convoyeur. Elle travailla également avec un dénommé Dorsett (mari présumé), dans un ranch de Livingston, avant de partir pour le Colorado, et exerça elle- même le métier de convoyeur7 sur la route de Fort Pierre à Sturgis, conduisant un chariot tiré par des bœufs dans un convoi de provisions.

C'est donc en 1895, après seize ans d'absence, que Calamity Jane retourna à Deadwood, en compagnie de Charley Burke, et d'une petite fille qu'elle présentait comme sa propre fille (il s'agissait probablement de la fille de sa demi-sœur, Belle Starr, dont elle s'occupa pendant plusieurs années et qu'elle plaça ensuite au couvent de Sturgis). Son retour fut fêté par ses vieux amis, et salué dans la presse locale: «Mme Jane Burke est arrivée dans la ville hier, après une absence de seize ans, pendant lesquels elle a vécu avec son mari sur un ranch dans le Montana du Sud-Est. Ils ont traversé le pays jusqu'à Belle Fourche, et Mme Burke est venue à Deadwood pour faire quelques emplettes et renouer avec de vieilles connaissances. » (Pioneer Times, Deadwood, Sud Dakota, 5 octobre 1895.)

Cependant l'histoire de l'Ouest commençait à basculer. La «Conquête» se terminait et une Amérique nouvelle s'installait, récupérant tout ce qui pouvait glorifier son image. De grands spectacles se créaient: dès 1883, Buffalo Bill mit sur pied le ''Wild West Rocky Mountain and Prairie Exhibition, qui retraçait les grands moments de l'épopée de l'Ouest. Il ne fait aucun doute que Calamity Jane connut Buffalo Bill et travailla pour lui, mais les documents officiels manquent pour confirmer sa présence dans le Wild West Show entre 1893 et 1895. En revanche, elle participa en janvier 1896 au Dime Museum de Khol et de Middleton à Minneapolis, qui la présentèrent comme la «fameuse éclaireuse de l'Ouest sauvage (...), la terreur des malfaiteurs des Black Hills! La camarade de Buffalo Bill et de Wild Bill Hickok!». Une tournée était prévue dans d'autres villes de l'Est, mais il semble que son penchant pour la boisson découragea ses employeurs.
Elle réapparut sur la scène en 1901 à Buffalo (Etat de New York), à l'occasion de l'Exposition pan-américaine : tandis qu'un homme relatait ses exploits, elle conduisait un chariot tiré par six chevaux, faisant tournoyer ses pistolets, et tirant des cartouches à blanc. Pour se faire quelque argent, elle vendait aussi son ''Autobiographie'' aux touristes, à l'instar d'autres figures légendaires du Far-West devenues, dans la jeune et fringante Amérique, des objets de curiosité; le chef indien Sitting Bull vendait lui-même sa photographie pendant les entractes du Wild West Show. Ces êtres pétris de liberté en étaient réduits à s'exhiber dans les foires comme des animaux en cage.
A Buffalo, Calamity Jane, ci-devant «diable blanc» des vastes plaines, ne tarda pas à déranger. Rallumant au whisky des bars modernes l'ardeur des grandes chevauchées, il lui arrivait de se battre avec les policiers de la ville! On n'en demandait pas tant à une figure de musée... Elle quitta l'Est. Buffalo Bill prétend lui avoir donné de quoi payer le voyage de retour pour le Montana, où un journal local, le Livingston Post, signalait à nouveau sa présence en avril 1902. Mais, là aussi, une page était définitivement tournée…

Quand elle mourut, le 1er août 1903, deux de ses amis transportèrent son corps de la ville de Terry à Deadwood, et ce sont les membres de «la Société des Pionniers des Black Hills» qui organisèrent ses funérailles lui rendant un dernier hommage. Habillé de blanc, placé dans un cercueil capitonné, son corps fut exposé dans l'arrière-salle d'un saloon, et tous les habitants de Deadwood vinrent lui faire un dernier adieu.
Elle fut enterrée à Mont Moriah Cemetery (Deadwood), à côté de Wild Bill, comme elle l'avait demandé.

Ce n'est que dix ans plus tard que sa fille Janey reçut de son père adoptif les lettres que, durant vingt-cinq ans, Calamity Jane avait rédigées pour elle. On ignore comment l'album, ainsi que le coffret où elle gardait ses objets de famille, parvinrent à Jim O'Neil, mais, soucieux de révéler le plus tard possible à Janey le secret de son adoption, celui-ci ne lui remit ce précieux héritage que peu de temps avant de mourir, en 1912. Janey avait alors trente ans, et vivait en Angleterre. Déjà frappée par le deuil d'un premier enfant, elle fut bouleversée par ces révélations; cependant sa situation familiale ne lui permit pas de se rendre aussitôt dans l'Ouest américain, et les désordres de la Première Guerre mondiale retardèrent encore ce voyage.
Divorcée, remariée, puis veuve, Janey Hickok, devenue Jane MacCornick, tenta sa vie durant de faire établir les preuves de sa filiation et l'authenticité de l'acte de mariage entre Wild Bill et Calamity Jane. En 1941, invitée à la radio à New York à l'occasion de la Fête des mères, elle déclara: «J'aimerais seulement que ma mère puisse savoir combien je suis fière d'être la fille de Calamity Jane.»

«Ceci n'est pas censé être un journal, et il est possible que mes lettres ne te parviennent jamais...» Que ces confessions aient finalement atteint leur destinataire rassure le lecteur et satisfait sa curiosité. «Calamity Jane a appris à lire et à écrire pour nourrir sa fille après sa mort. L'écriture était son expression maternelle8
Mais ce témoignage n'a-t-il pas aujourd'hui pour véritable destination de composer le contre-chant d'une époque, et de porter le cri d'une femme que les temps ont étouffé: WHY DONT THE SONS OF B... LEAVE ME ALONE AND LET ME GO TO HELL IN MY OWN WAY9?

Hélène Phillipe.





1 : Les Mormons ou « Saints », persécutés pour leurs croyances, quittèrent l'Illinois en 1845, commençant une longue et épuisante marche vers l'Ouest: ils furent les premiers à dépasser les montagnes Rocheuses, ouvrant ainsi la piste des chariots. Ils fondèrent Sait Lake City en 1847, sur les bords du Grand Lac salé.
2 : Mulog, de son vrai nom Moluck, est à l'origine d'une « autobiographie », publiée en 1896 sous le titre La Vie et les Aventures de Calamity Jane par elle-même, et qui se termine ainsi: «Espérant que cette petite histoire de ma vie puisse intéresser tous les lecteurs, je reste comme par le passé votre Madame M. Burke (Dorsett), mieux connue sous le nom de Calamity Jane.»
3 : La jonction entre l'Est et l'Ouest par voie ferrée, réalisée par l'Union Pacific et la Central Pacific Railroad, date de 1869. La Northern Pacific et la Southern Pacific Railroad entreprirent par la suite la création d'un réseau ferré en direction du nord et du sud.
4 : Le terme américain est «scout».
5 : Policier municipal.
6 : Deadwood fut créée en 1876 au pied des Black Hills, où convergèrent dds milliers de pionniers atteints par la «fièvre de l'or».
7 : En américain, «bull-whack», littéralement: «celui qui fouette les bœufs». Ce mot n'a pas de féminin.
8 : Préface d'Igrecque dans la première édition (Editions Tierce, 1979)
9 : «Pourquoi ils me foutent pas la paix, ces enfants de salauds! Et si ça me plaît, moi, d'aller au diable?» (Phrase rapportée par un chroniqueur.)

jeudi 27 mai 2010

«Estimable rédacteur en chef...» : 60 ans de lettres d'immigrés juifs en Amérique

J'ai oublié Ulysse un matin en partant travailler, j'ai attrapé ce livre qui attendait (que je le prête à quelqu'un que je ne croise pas) sur une étagère au bureau et je l'ai lu en vingt-quatre heures, ce qui est toujours plaisant (unité de temps, saisie mentale).

Il s'agit d'une sélection du courrier des lecteurs envoyé au journal yiddish Forverts, rubrique devenue célèbre sous le nom de Bintel Brief.
La première lettre date de 1906, la dernière de 1967. Les problèmes évoluent et suivent l'histoire de l'Occident pendant un siècle, des conditions très dures de l'avant-première guerre (fuite devant les pogroms, désertion des shetls, exploitation par des patrons américains sans scrupule, misère, abandon des femmes par leur mari) aux dilemmes politiques (retourner en Russie pour mener le combat aux côtés des socialistes en 1917, émigrer en Palestine dans les années 20?), en passant par des problèmes plus spécifiquement religieux, comme les mariages mixtes (chrétiens/juifs), l'abandon des valeurs religieuses et des tradition,…

Les réponses apportées en quelques lignes (j'ai cru comprendre qu'il s'agissait du résumé des originales) sont souvent pleines de bon sens et paraissent évidentes (il est d'ailleurs étrange de constater que souvent la réponse est déjà en germe dans la lettre interrogeant: bien que connaissant instinctivement la conduite à adopter, chacun de nous semble la fuir ou vouloir la retarder).
C'est tout juste si l'on note un durcissement dans les conseils du journal après la deuxième guerre: les mariages mixtes sont systématiquement découragés, l'éducation traditionnelle (les juifs orthodoxes, par opposition aux juifs libéraux) discrètement approuvée (même si chacun a "le droit de vivre comme il l'entend"), les belles-filles encouragées à la patience, les belles-mères à la tolérance…
Avec le temps, la langue et l'accent deviennent un enjeu: avoir honte ou pas de ses parents ne parlant que le yiddish, autoriser ses enfants à les fréquenter, oser lire le Forverts en public, dans les transports en commun…

Le principe du livre (comme de la réalité!) est un peu sadique: nous avons le récit pathétique d'une personne, le conseil que lui donne le journal, puis… rien. Nous ne savons pas si le conseil a été suivi, si le lecteur écrivant a résolu ses problèmes, quel choix il a fait, s'il est venu à bout de ses difficultés. Il ne nous reste qu'à espérer (parfois pour des cas où tous les protagonistes sont morts depuis longtemps…)


Dans la postface, Henri Raczymow raconte en quelques pages ses souvenirs d'enfant d'immigrés juifs en France. Extrait (ce récit relate l'atmosphère des années trente. Il recoupe celui d'A la recherche des Juifs de Plock, de Nicole Lapierre):
Eux, les parents, se sacrifiaient, mais leurs enfants auraient une vie digne. Il suffisait de travailler. Le mérite républicain. L'école publique. L'école de tous. Où l'on apprenait Voltaire, Victor Hugo, Émile Zola, Anatole France, Romain Rolland... De si grands écrivains qu'ils sont traduits en yiddish, c'est dire! Dans l'espace public, en tout cas, on adopterait tous les signes de la «francité». À la maison seulement, on s'autorisait à maintenir les prénoms yiddish et la langue d'origine. Les parents s'adressaient à leurs enfants dans leur langue et ces derniers, scolarisés, leur répondaient généralement en français. Si bien que la langue maternelle de ces nouveaux petits Français serait souvent une mixture franco-yiddish…

>Devenir un «vrai» Français était donc un idéal. Si l'on posait aux enfants cette question aujourd'hui saugrenue, sinon incompréhensible: «Tu es juif ou français?», ils répondaient dans un haussement d'épaules et sous l'œil ému des parents: «Français!» Les parents étaient fiers que leurs enfants parlent si bien la langue de Molière, qu'ils aient de bonnes notes à l'école, qu'ils soient intégrés. Nul problème alors d'intégration. Les enfants d'immigrés étaient naturellement, ipso facto, intégrés. Ils fréquentaient naturellement l'école publique. (Les écoles juives, si répandues aujourd'hui, étaient rarissimes. Il n'existait pas, contrairement à ce qui se passait aux Etats-Unis ou en Argentine par exemple, d'écoles yiddish.)

Henri Raczymow, postface à l'édition française de «Estimable rédacteur en chef…», p.260

mercredi 25 novembre 2009

Le cadavre d'un Noir

Même si, de son vivant, le nègre n'était en Amérique qu'un cireur de bottes à Harlem, un chauffeur de locomotives, une fois mort il encombre presque autant de terrain que les grands, les splendides cadavres des héros d'Homère. Cela me faisait plaisir, au fond, de penser que le cadavre d'un nègre occupait presque autant de terrain qu'Achille mort, qu'Ajax mort, qu'Hector mort.

Curzio Malaparte, La Peau, p.33 (Denoël 2008)

vendredi 20 novembre 2009

L'Europe

— Ce n'était pas un animal, luis disais-je, c'était une feuille, une feuille d'arbre.

Et je lui citais le passage de cette lettre, où Mme de Sévigné souhaitait qu'il y eût dans son parc des Rochers une feuille parlante.

— Mais cela est absurde, disait Jack, une feuille qui parle! Un animal, ça se comprend, mais une feuille!
— Pour comprendre l'Europe, lui disais-je, la raison cartésienne ne sert de rien. L'Europe est un pays mystérieux, plein de secrets inviolables.
— Ah! L'Europe! Quel extraordinaire pays! s'écriait Jack, j'ai besoin de l'Europe pour me sentir Américain.

Curzio Malaparte, La Peau, p.31, (Denoël, 2008)

vendredi 13 juillet 2007

Une solution élégante

L'ouest du Texas est une région désolée qui produit dans des conditions difficiles. Quand elle n'est pas grillée par la fournaise, elle est ravagée par les ouragans ou saccagée par les tempêtes de grêle. Elle ne deviendra jamais un pôle d'attraction touristique. Arrivant en avion par une claire journée d'automne dans le pays du coton autour de Lubbock, je pouvais voir par le hublot un paysage quasiment lunaire: pas de collines, pas d'arbres. Pas d'herbe, pas de voitures. Pas d'êtres humains, pas de maisons. Cette immensité plate et désolée est tout d'abord troublante et intimidante, car il est difficile de ne pas se sentir minuscule, vulnérable, dans un tel endroit. J'ai beau avoir voyagé dans des dizaines de pays à travers les cinq continents, Lubbock au Texas est l'un des endroits les plus étranges que j'aie jamais visités. Et il y a de grande chances que mon tee-shirt — et le vôtre — soit né près de Lubbock, la capitale mondiale autoproclamée du coton.
Les habitants de cette région austère, et cependant d'une âpre beauté, sont adaptés à l'environnement. La terre, avec son humeur imprévisible et ses échelles demesurée, les a rendus humbles, mais elle les a aussi rendus fiers de leur succès quand ils ont réussit à la dompter et à tirer l'or blanc et duveteux de leurs plants de coton. Une légende locale raconte que, lorsque Dieu a créé le Texas de l'Ouest, Il a par erreur oublié de façonner des collines, des vallées, des rivières et des arbres. Regardant le résultat nu et inhospitalier qu'Il avait fabriqué, Il envisagea de recommencer, puis il se ravisa: «Je sais ce que je vais faire, se dit-Il, je vais simplement créer des gens qui aiment ce genre d'endroits.»
Ainsi fit-Il.

Pietra Rivoli, Les aventures d'un tee-shirt dans l'économie globalisée p.26

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