Véhesse

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Billets qui ont 'Paris' comme lieu.

mardi 17 novembre 2015

Hommages conservés ici pour mémoire, quand tout cela sera derrière nous

Les messages de solidarité affluent de partout. En voici deux qui m'ont touchée plus particulièrement.
Le premier est très connu, c'est un commentaire sur le site du New York Times — enfin très connu des facebookiens, mais je ne sais pas si ce texte a tourné dans les médias. Je suis touchée par les messages qui viennent de l'étranger, c'est comme si leur amour nous autorisait à nous aimer enfin, au moins pour quelques heures.
Mais tout de même, ne sont-ils pas trop gentils? Il n'y a rien de si extraordinaire à l'odeur d'un croissant, il doit être possible de trouver cela ailleurs qu'en France, non? Je lis à voix haute la traduction de l'article à H. qui me répond: «trouver tout cela ensemble au même endroit? non, ce n'est peut-être pas si facile à trouver.»
Blackpoodles - Santa Barbara 1 day ago
France embodies everything religious zealots everywhere hate: enjoyment of life here on earth in a myriad little ways: a fragrant cup of coffee and buttery croissant in the morning, beautiful women in short dresses smiling freely on the street, the smell of warm bread, a bottle of wine shared with friends, a dab of perfume, children paying in the Luxembourg Gardens, the right not to believe in any god, not to worry about calories, to flirt and smoke and enjoy sex outside of marriage, to take vacations, to read any book you want, to go to school for free, to play, to laugh, to argue, to make fun of prelates and politicians alike, to leave worrying about the afterlife to the dead.
No country does life on earth better than the French.
Paris, we love you. We cry for you. You are mourning tonight, and we with you. We know you will laugh again, and sing again, and make love, and heal, because loving life is your essence. The forces of darkness will ebb. They will lose. They always do.
D'après Slate, l'origine de l'article a été identifiée par le capitaine. Je copie la traduction de Slate en la modifiant un peu:
La France incarne tout ce que haïssent les fanatiques religieux du monde entier: la jouissance de la vie ici sur terre d'une multitude de manières: une tasse de café qui embaume accompagnée d'un croissant le matin; de jolies femmes en robe courte souriant librement dans la rue; l'odeur du pain chaud; une bouteille de vin partagée entre amis, une trace de parfum, des enfants jouant au jardin du Luxembourg, le droit de ne pas croire en Dieu, de ne pas s'inquiéter des calories, de flirter et de fumer et de faire l'amour hors mariage, de prendre des vacances, de lire n'importe quel livre, d'aller à l'école gratuitement, de jouer, de rire, de débattre, de se moquer des prélats comme des hommes et des femmes politiques, de laisser aux morts les interrogations sur la vie après la mort.
Aucun pays ne profite aussi bien de la vie sur terre que la France.
Paris, nous t'aimons. Nous pleurons pour toi. Tu es en deuil ce soir, et nous le sommes avec toi. Nous savons que tu riras à nouveau et que tu chanteras à nouveau, que tu feras l'amour et que tu guériras, parce qu'aimer la vie est ton être-même. Les forces du mal vont reculer. Elles vont perdre. Elle perdent toujours.
Un autre témoignage est moins connu. C'est un poème de Natalia Antonova qu'une amie FB a posté sur son mur. J'aime beaucoup la première strophe. Je la lis en ayant en tête «Dans les rues de la ville il y a mon amour» et Swann «C’est gentil, tu as mis des yeux bleus de la couleur de ta ceinture».
A Paris ils posent les bonnes questions :
« Cognac, armagnac ou calva ? »
Et : « Pourquoi vos yeux sont-ils si bleus ? »
« Savez-vous comment rentrer chez vous ? »
« Est-ce enfin le moment de s'embrasser ? »

lundi 10 novembre 2014

Obtenir un livre à la Bibliothèque Nationale

Tout ce que je voulais, c'était: L'Histoire généalogique de plusieurs maison illustre de Bretagne, enrichie des armes et blason d'icelles…, etc. de Fr. Augustin du Paz, Paris, N. Buon, 1620, folio Lm2 23 et Rés. Lm 23.
Vous croyez que je l'ai eue? Vous pouvez toujours aller vous faire…
Je voulais aussi: — Père Anselme de Sainte-Marie ( Pierre de Guibours): Histoire de la maison royale de France, des pairs, grands officiers de la couronne et de la maison du roy et des anciens barons du royaume, R.P.Anselme, Paris, E. Loyson 1674; Lm3 397. Et il a fallu que j'écrive tout ça aussi clairement que je le pouvais, sur une fiche, et le vieil employé à blouse a dit à la vieille bibliothécaire: «C'est pas mal écrit» (il parlait de la lisibilité de mon écriture). Naturellement ils sentaient tous mon haleine alcoolisée et me prenaient pour un fou, mais voyant que je savais ce que voulais et que je n'ignorais pas comment m'y prendre pour obtenir certains livres, ils sont tous partis par-derrière consulter d'énormes dossiers poussiéreux et fouiller dans des rayons aussi hauts que le toit; et ils durent dresser des échelles assez hautes pour faire tomber Finnegan, avec un bruit plus grand encore que dans Finnegans Wake, celui-ci étant le bruit produit par le nom, le nom véritable que les Bouddhistes indiens ont donné au Tathagata, celui qui est passé à travers l'éternité priyadavsana, il y a de cela un nombre plus qu'incalculable d'éons: — Allons-y, Finn: —

GALADHA RAGA RG ITAGHOS HASUVA RANAKS HATRA RAGA SANK USUMITAB NIGNA

[…]

En tout cas, un exemple de mes ennuis à la Bibliothèque: ils ne m'ont pas apporté ces livres.

Jack Kerouac, Satori à Paris , p40 à 44, Folio (publié en 1966 - Gallimard traduction de Jean Autret 1971)

samedi 8 novembre 2014

La grandeur de ce Paris

Dans la vieille église de Saint-Germain-des-Prés, l'après-midi suivant, j'ai vu plusieurs Parisiennes qui versaient presque des larmes tout en priant sous un vieux mur souillé par le sang et la pluie. J'ai dit: Ah ha, les femmes de Paris» et j'ai vu la grandeur de ce Paris qui peut à la fois pleurer sur les folies de la Révolution et, en même temps, se réjouir d'être débarrassé de ces nobles au long nez dont je suis un descendant (les princes de Bretagne).

Jack Kerouac, Satori à Paris, p.22, Folio (1966)

dimanche 24 août 2014

Libération de Paris

Dans La terrasse de Malagar, Claude Mauriac cite Edmond Michelet:
Dachau, 27 août 1944

Edmond Michelet :

Pour montrer à quel point je me suis toujours senti en très pofonde communion avec la pensée du Général à cette époque même, je veux rappeler cet autre trait qui se rapporte aux jours qui ont suivi la libération de Paris. Nous étions bien sûr à Dachau toujours aux mains des S.S. C'était un dimanche, j'avais été convoqué à une heure indue par le Tchèque responsable du bloc 13 des tuberculeux; c'était un bon endroit, le bloc 13 parce que les Allemands, qui craignaient beaucoup les bacilles, n'y entraient pas, et nous avions installé là un petit poste récepteur.
Je me suis donc rendu au bloc 13 et j'ai vu là, devant moi, trois personnages; il y avait le Tchèque, qui se tenait droit comme un piquet, le Yougoslave et le Polonais. J'entends encore le Tchèque qui m'avait reçu deux ans plus tôt avec les réserves que vous savez, me dire d'une voix incroyable: «Michelet, je vous ai convoqué à cette heure parce que je voudrais vous faire part de la plus grande nouvelle reçue depuis que nous sommes ici: Paris est libéré et Paris est intact.»
Parmi mes trois, deux savaient que leur propre capitale avait été anéantie, le Polonais et le Yougoslave, et pourtant, pour eux c'était la plus grande nouvelle: Paris était libéré et intact.
(La Querelle de la fidélité)

Claude Mauriac, La Terrasse de Malagar, p.328 - Grasset, 1977

mardi 29 novembre 2011

Jean-Paul Marcheschi : s'offrir un tableau pour Noël

Samedis 3 et 10 décembre, à partir de 14H, à la galerie de Jean-Paul Marcheschi, 5-7 rue des deux-boules (un nom prédestiné (j'aime bien que la ville de Paris n'ait pas eu le puritanisme de la faire disparaître)) aura lieu une vente "privée" et à des prix exceptionnels.

Faites-le savoir autour de vous aux personnes intéressées qui depuis longtemps regrettent que "les Marcheschis" ne soient pas accessibles à leur bourse.

vendredi 20 novembre 2009

La banlieue de Paris

Jack connaissait parfaitement non seulement Paris, mais ce qu'il appelait la banlieue de Paris, c'est-à-dire l'Europe.

Curzio Malaparte, La Peau, p.29, (Denoël 2008)

jeudi 27 novembre 2008

Le doigt coupé de la rue du bison, de François Caradec

Etrange livre, je ne pensais pas qu'on en écrirait encore des comme ça.

Le doigt n'a aucune importance. La rue du bison non plus. En cela c'est très moderne. Et le narrateur est flottant, instable, multiple.

Sinon... sinon c'est le Paris des années 50, et la langue verte des années 50, avec les obsessions des années 50. Je ne savais pas qu'on savait encore écrire comme ça (enfin, cela se perd, puisque François Caradec vient de mourir. Ce soir l'Oulipo lui rend hommage à la BNF (ou la TGB, je ne sais quel est le terme officiel)).

Des chiens et encore des chiens, de mémoire au moins cinq races, labrador, caniche, berger allemand, airedale, épagneul. Paris, les rues de Paris, les souvenirs, la statue de Chappe qu'on a fait fondre (je ne savais pas), la boutique du liège boulevard Montparnasse (est-elle encore là? J'y avais acheté un portefeuille), la rue Coëtlogon (un marin (c'est la rue de Paul Rivière)), toute cette géographie de Paris que je ne retrouve plus, mais peut-être ne lis-je pas les bons livres.
J'aimais Léo Mallet pour cela.

La fin, puis-je évoquer le dénouement? Peut-être pas. Les Lebensborn, ces haras à êtres humains, ce contrepoint très peu connu de l'utopie nazie... Je le connais à cause du Magasin des enfants, collectif sous la direction de Jacques Testard, qui a étudié à la fin des années 80 le désir d'enfant "à tout prix" sous les angles médical, juridique et psychanalytique.

C'est un livre qui n'a pas vraiment sa place dans notre époque. Il arrive trop tard, ou trop tôt, quand le recul n'est pas encore suffisamment grand pour que cinquante ans ne fassent aucune différence.
Ou c'est un livre terminé juste à temps, au moment où les derniers témoins de la période 1920-1945 sont en train de disparaître. Et puis c'est un livre destiné aux amoureux de François Caradec, puisqu'il y évoque ça et là des souvenirs — ceux qui savent devineront.


PS : je pense que cette écriture pourrait intéresser Didier Goux. Quant à moi, je vais me pencher sur la biographie de Raymond Roussel publié par François Caradec.

vendredi 5 septembre 2008

Paris 1933

Le narrateur vient de décrire pendant une centaine de pages les quatre à cinq mois qui ont réduit tous les Allemands au silence, les premiers boycotts des magasins juifs, la révocation des juges, la violence des SA, les chants et les défilés omniprésents.
Teddy a quitté Berlin en 1930. Elle y revient quelques semaines durant l'été 1933 pour aider sa mère à déménager. Le narrateur en est secrètement amoureux.
Elle apportait Paris dans ses bagages, des cigarettes de Paris, des magazines de Paris, des nouvelles de Paris et, insaisissable et irrésistible comme un parfum, l'air de Paris: un air que l'on pouvait respirer, et que l'on respirait avidement. Cet été-là, alors qu'en Allemagne les uniformes étaient devenus une mode ignoblement sérieuse, Paris avait eu l'idée de créer pour les femmes une mode inspirée des uniformes, et c'est ainsi que Teddy portait un petit dolman de hussard garni de brandebourgs et de boutons étincelants. Incroyable! Elle venait d'un monde où les femmes s'habillaient comme cela pour s'amuser, sans que personne y trouva à redire!

Sebastian Haffner, Histoire d'un Allemand, p.354

samedi 10 février 2007

Réponse à une question que je ne m'étais jamais posée

Vu dans un bac de livres en solde : Où s'embrasser à Paris : le guide des meilleurs endroits.

jeudi 1 mai 2003

19 quai de Bourbon

Paris — Chaque fois que j'arrive à Paris, j'accomplis un rite particulier. Après avoir dormi quelques heures, je secoue en moi le "glandeur" tiers-mondiste et m'en vais jusqu'à Notre-Dame. J'allume un cierge, je prie, et reste à regarder l'immense cathédrale au cœur de l'Occident. A chaque fois, je pense à Jeanne d'Arc, héroïne de mes lointains douze ans ; au chemin de Saint-Jacques-de-Compostelle, dont Notre-Dame est le point de départ; et à ma mère, professeur d'histoire qui, parmi tant d'autres choses, m'a donné la passion du Monde et du Temps.

Il se passe toujours quelque chose quand je vais à Notre-Dame. Une fois, j'ai rencontré un ami de Porto Alegre que je n'avais pas vu depuis au moins vingt ans. Une autre fois, arrivant d'un séjour pénible dans un Londre glacial et terrorisé par les bombes de l'IRA, à l'époque de la guerre du Golfe, j'ai trébuché sur des grévistes de la faim kurdes, dans le jardin contigu. La fois la plus jolie de toutes, j'étais extrêmement triste. Depuis des mois il n'y avait pas de soleil, personne ne m'envoyait de nouvelles de nulle part, l'argent tirait à sa fin, des gens que je considérais comme des amis avaient été cruels et malhonnêtes. Pis que tout, je me sentais désorienté. Une liberté, une absence de liens, si totales qu'elles en sont horribles, quand on peut aller aussi bien à Botacutu qu'à Java, Budapest ou Maputo, peu importe. On souffre en voyageant: c'est le prix à payer quand on veut voir como um danado, comme un enragé, à la Pessoa. J'éprouvais un manque profond d'une chose dont je ne savais pas ce qu'elle était. Je savais seulement que j'en souffrais, souffrais. Sans remède.

Engoncé dans une capote de la Deuxième Guerre, cet après-midi à Notre-Dame, j'ai prié, allumé un cierge, pensé à des choses du passé, de l'imagination et de la mémoire, puis je suis sorti pour marcher. Je me suis arrêté devant une vitrine pleine des œuvres du comte de Saint-Germain, je me suis perdu dans les rues de l'Île de la Cité. Puis je me suis assis sur un banc du quai de Bourbon, le dos à la Seine, j'ai allumé une cigarette et regardé la maison d'en face, de l'autre côté de la rue. Sur la façade abîmée par le temps on lisait, sur une plaque : « Il y a toujours quelque chose d'absent qui me tourmente » — phrase extraite d'une lettre écrite par Camille Claudel à Rodin, en 1886. De cette maison, disait la plaque, Camille était partie directement à l'hospice, où elle est restée jusqu'à sa mort. Éperdue d'amour, de talent, de folie.
Il faisait froid, il pluvinait sur la Seine, un de ces crachins si fins qu'ils n'arrivent même pas à mouiller une cigarette. J'ai copié la phrase sur un agenda. Et si l'on peut savoir ce que signifie « être bien » dans l'inconfort inséparable de notre humaine condition, juste pendant un bref moment j'étais bien.

Petites épiphanies de Caio Fernando Abreu. p 100. José Corti

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