A la peine

(j'écris en marchant. I'm a pen. — Yeah, in the ass...)

Renaud Camus, Journal d'un voyage en France, p.323

Exposition des œuvres de Jean-Paul Marcheschi jusqu'au 10 juillet

Marcheschi expose ses œuvres (quelques œuvres) dans son nouvel atelier, deux pièces aux beaux volumes permettant l'accrochage de plusieurs toiles d'un peu plus d'un mètre de côté (sans compter l'immense fleuve Maroni).
J'ai choisi mes deux toiles préférées, il ne me reste qu'à me trouver une Liliane Bettancourt.

Il suffit de prendre rendez-vous (Osez ! Téléphonez l'après-midi (jamais le matin) à l'un de ces numéros: 01 40 39 03 09 ou 01 40 39 07 72 ou 06 09 56 22 58 ).
Ou tentez votre chance en passant.

ouverture de 14 à 19 heures.
Adresse de l'atelier: 5-7, rue des 2 Boules 75001Paris

Code porte: A1846 Code cour RDC droite: B1407

Pas faux…

On peut toujours compter sur moi pour aller jusqu'au bout de mes bêtises.

Renaud Camus, Journal d'un voyage en France, p.250

Fort de Brégançon

Je lui ai dit n'être pas parvenu à voir le fort présidentiel. Il confirme que c'est impossible:

— Surtout avec le gardien, c't' un ancien gendarme, l'est féroce. Normalement, on peut y aller que par la mer. Même le président, y doit passer par le grand-duc de Luxembourg. Quand y sera brouillé avec le duc, y pourra plus y aller, à son fort, parce qu'il faut qu'il le traverse, le duc.

Renaud Camus, Journal d'un voyage en France, p.216

Pour que la vérité soit proclamée

Le préfet de discipline m'associait peut-être inconsciemment au vieux mendiant à la barbe blanche à cause de l'épisode du duffle-coat. Il était sûr de m'avoir vu suivre ce malheureux en criant et en dansant: trois heures de retenue le jeudi. Je refuse le châtiment: grande retenue, tout un dimanche. Qui aurait cru à mon innocence contre la certitude d'un préfet? Je suis sûr qu'il était de bonne foi. J'allais être renvoyé. J'ai subi mes neuf heures de retenue. Mais peut-être ai-je désiré, alors, d'être écrivain pour pouvoir encore le proclamer, un jour, par un autre moyen, à la face du monde, et de l'abbé G. qui l'un ni l'autre ne me liront: jamais je n'ai crié Père Noël, place Bansac, après ce vieux mendiant à barbe blanche.

Renaud Camus, Journal d'un voyage en France, p.134

Tristesse

Pour planes, dont la précédente version de blog m'avait fait découvrir ce livre lyrique, pour tous ceux qui ne savent plus vraiment ce soir s'ils doivent rire ou pleurer (Eugène Saccomano sur RTL entre 19 et 20 heures (citation à peu près): «C'est Shakespeare et Goldoni, c'est tragique et rigolo») et pour ceux qui s'occupent bénévolement de clubs de football et d'enfants et qui disposent désormais d'un exemple rêvé pour illustrer la relation discipline-esprit d'équipe-victoire.
À la fin du Mondial 94, tous les garçons qui naquirent au Brésil s'appelèrent Romario, et la pelouse du stade de Los Angeles fut vendue par petits morceaux, comme une pizza, à vingt dollars la portion. Folie digne d'une meilleure cause? Négoce vulgaire et inculte? Usine à trucs manipulée par ses propriétaires? Je suis de ceux qui pensent que le football peut être cela, mais qu'il est également bien plus que ça, comme fête pour les yeux qui le regardent et comme allégresse du corps qui le pratique. Un journaliste demanda à la théologienne allemande Dorothee Sölle:
— Comment expliqueriez-vous à un enfant ce qu'est le bonheur?
— Je ne le lui expliquerais pas, répondit-elle. Je lui lancerais un ballon pour qu'il joue avec.

Le football professionnel fait tout son possible pour castrer cette énergie de bonheur, mais elle survit en dépit de tout. Et c'est peut-être pour cela que le football sera toujours étonnant. Comme dit mon ami Angel Ruocco, c'est ce qu'il a de meilleur: son opiniâtre capacité de créer la surprise. Les technocrates ont beau le programmer jusque dans ses moindres détails, les puissants ont beau le manipuler, le football veut toujours être l'art de l'imprévu. L'impossible saute là où on l'attend le moins, le nain donne une bonne leçon au géant et un Noir maigrelet et bancal rend fou l'athlète sculpté en Grèce.

Un vide stupéfiant: l'histoire officielle ignore le football. Les textes de l'histoire contemporaine ne le mentionnent pas, même en passant, dans des pays où il a été et est toujours un signe primordial d'identité collective. Je joue, donc je suis: la façon de jouer est une façon d'être, qui révèle le profil particulier de chaque communauté et affirme son droit à la différence. Dis-moi comment tu joues et je te dirai qui tu es: il y a bien longtemps qu'on joue au football de différentes façons, qui sont les différentes expressions de la personnalité de chaque pays, et la sauvegarde de cette diversité me semble aujourd'hui plus nécessaire que jamais. Nous vivons au temps de l'uniformisation obligatoire, dans le football et en toute chose. Jamais le monde n'a été aussi inégal dans les possibilités qu'il offre et aussi niveleur dans les coutumes qu'il impose: en ce monde fin de siècle, celui qui ne meurt pas de faim meurt d'ennui.

Eduardo Galeano, Football, ombre et lumière, p.242-243 (1995, traduction française 1998)


«Les différentes expressions de la personnalité de chaque pays» : la France serait donc en pleine confusion mentale.



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Note cinq anq plus tard : il s'agit du jour où les footballeurs français en Afrique du Sud refusèrent de descendre du bus pour s'entraîner pour le Mondial.
J'avais noté en marge du blog ces précisions inutiles à l'époque de la publication de ce billet: Anelka insulte Domenech, la fédération renvoie Anelka, les joueurs se mettent en grève d'entraînement, l'entraîneur "physique" a failli mettre son poing dans la tête du capitaine des bleus, le second de la Fédération a démissionné, Domenech a lu une proclamation des Bleus.

D'une grand-mère l'autre

Je connaissais la Sévigné bretonne, la Sévigné provençale, la Sévigné parisienne et même la Sévigné bourbonnaise, mais la Sévigné bourguignonne, dont il est beaucoup question par ici, m'avait échappée jusqu'à présent. J'allais m'étonner de ce que ma grand-mère ne m'en ait jamais parlé, mais je me suis souvenu à temps que c'était la grand-mère du narrateur, pas la mienne, qui était une spécialiste de la marquise, ainsi que de George Sand; la mienne n'était une spécialiste que d'Eugénie et Maurice de Guérin, de Francis Jammes et de la comtesse de Noailles.

Renaud Camus, Journal d'un voyage en France, p.56

Fidélité

Et de plus d'un ami qui me jugeais léger et infidèle quand nous nous voyions trois ou quatre fois par semaine, j'ai cherché patiemment la trace et le souvenir quand depuis longtemps il m'avait oublié.

Renaud Camus, Journal d'un voyage en France, note en bas de page 38

L'art de la profiterole

[...] rappelle-moi un jour, ô lecteur, de te placer ma tirade sur les profiteroles au chocolat, dont la sauce n'est plus jamais brûlante, when it's obviously the whole point.

Renaud Camus, Journal d'un voyage en France, p.33

Les voisins invisibles

Jérôme et Paméla V. me racontaient, cet été, avoir partagé, au cours d'un dîner au Cercle Européen de Cocody, une petite table avec une femme charmante et un inconnu. Avec la jeune femme, ils avaient longuement parlé de La Recherche et de ses personnages. Au dessert, l'inconnu avait dit:

— C'est bizarre, je suis à Abidjan depuis trois ans et pourtant je n'ai rencontré aucun de vos amis.

Renaud Camus, Journal d'un voyage en France, p.32

Citation utile

Je n'y arrive pas, je n'y arrive pas, je n'y arrive pas, je n'y arrive absolument pas.

Renaud Camus, Au nom de Vancouver, p.197

Prochaine réincarnation

La seule consolation est que les Lettres, de toute façon, ne sont probablement pas, de nos jours, la meilleure voie vers la gloire. Aurais-je été Pascal Quignard ou Yves Bonnefoy, je ne suis pas sûr que ma présence eût suscité beaucoup plus d'émoi. Alain Finkielkraut, peut-être? Michel Houellebecq? Philippe Sollers, sûrement. La prochaine fois, oui, j'essaierai d'être Philippe Sollers.

Renaud Camus, Au nom de Vancouver, p.269

Obscurité

Si trois ou quatre [photographies] sont utilisables, absolument sans plus, je pourrai m'estimer satisfait — la plupart sont tout à fait ratées: je ne suis décidément pas un maître de la lumière basse, et, cette maison de Loti, on y voit comme dans le cul d'un... (non, rien (je n'aurais, d'ailleurs, sauf pour l'éclairage, que du bien à dire du cul des..., dont j'ai quelques souvenirs délicieux (mais bon))).

Renaud Camus, Au nom de Vancouver, p.237

A la manière de Marie Poppins

Je le voyais placer dans les poches de sa soutane les objets les plus divers: un flacon de médicament, des paquets de cigarettes, un quart de café, deux paires de chaussettes, une chemise, un jour, même, un litre de vin rouge!

Devant mon étonnement, il plaisanta:
— C'est incroyable ce qu'une poche de curé peut contenir, n'est-ce pas? Tiens, j'ai failli oublier…

Et il ajouta une paire de pantoufles qui, effectivement, y rentra encore!

Françoise Frenkel, Rien où poser sa tête, p.194 (édition 1945)

Gothico-iroquois

Entre la fille, en grande tenue gothico-iroquoise, ou l'équivalent du moment: énormes godillots haut montant, minuscule minijupe de cuir d'où dépasse une jupette aux broderies grand-mère, chaînes, cadenas, force piercings, ongles très longs et teints en violet foncé, maquillage blafard, très longs cils d'un seul côté, crête de coq vert pomme.

Renaud Camus, Théâtre ce soir, p.35

Liste des cours

Séminaire de Daniel Ferrer à l'ENS en 2010.
Des moments de bonheur pur.

9 février : présentation des carnets de Joyce et des personnages de Finnegans wake.
16 février : structure et interprétation des chapitres. Travail sur le chapitre 8 lu par Joyce.
23 février : absente.
2 mars : déchiffrage de la première page.
9 mars : l'affaire Danis Rose + début du chapitre 8.
16 mars : quelques traductions du chapitre 8.
23 mars :
30 mars :
6 avril :
13 avril :
9 mai : le chapitre 7, Shem, et la question 11 du chapitre 6. Les critiques d' Ulysses
16 mai : le chapitre II-2. Les devoirs des enfants, la leçon des enfants.

La futilité de la littérature dès qu'elle touche à l'essentiel

Mais je sens (comme disait mon vieux maître Henry de Montherlant (je suis vraiment d'excellente humeur), mais je sens (donc) qu'il vaut mieux commencer d'une autre façon mon récit. (Ce que j'admire le plus chez Montherlant (non, non, je ne l'ai jamais rencontré, mais quand je suis un peu pompette j'ai tendance à me prendre pour Gabriel Matzneff), c'est le premier paragraphe de La Petite Infante de Castille: «Barcelone est une ville de six cent mille deux cents âmes, et elle n'a qu'un urinoir. On devine si à certaines heures il a charge d'âmes. Mais je sens qu'il vaut mieux commencer d'une autre façon mon récit.») (Néanmoins je suis sûr que Genet, dans Journal du Voleur, fait état de plusieurs urinoirs à Barcelone. A quoi l'on peut juger la futilité de la littérature dès qu'elle touche à l'essentiel. D'ailleurs Walter Benjamin... Mais arrêtez de détourner la conversation).

Renaud Camus, Chroniques achriennes, p.101

Parmi les phrases préférées

Georges Marchais et moi n'avons pas la même idée de la poésie : j'en avais toujours eu le vague soupçon.

Renaud Camus, Chroniques achriennes, p.56

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