Pourquoi écrire? Parce que

Me voici donc en présence, une fois de plus, du même paradoxe: entreprendre une réflexion sous forme d'un livre, sur un Livre qui met en garde contre l'Ecriture des livres. Il me faut pourtant commencer par là. «Les paroles des sages sont comme des aiguillons, et comme des clous plantés les auteurs de recueils; ils sont donnés par un pasteur unique. Quant à faire plus que cela, mon fils, garde-t'en: faire des livres en grand nombre serait sans fin, et beaucoup d'étude est une fatigue pour la chair…» (XII, 11-12)

[…]

Il est d'ailleurs étonnant qu'à l'époque de l'Ecclésiaste, avec la rareté des livres, on ait pu porter un tel jugement. Une fois de plus, pourtant, la parole biblique se révèle vraie après deux mille ans de silence. Elle s'applique à notre temps, comme si elle avait été écrite hier et pour nous1. Vanité de faire paraître un livre dans le Niagara de papier et dix mille fois plus d'«information» encore provenant de dix autres médias…2 Quel sens? «Ce serait sans fin», annonce l'Ecclésiaste, et il avait raison voici… deux mille cinq cents ans. Il avait vu que cette folie de «l'information-communication-dissertation-documention-interprétation» est sans fin, et que l'homme engagé là se fatigue infiniment pour du vent; exactement du vent. Devant cet avertissement, pourquoi le faire? Pourquoi don accepter d'écrire ces pages encore destinées à être noyées dans le magma confus de nos médias? Pourquoi céder à cette vanité? Pourquoi faire une dernière œuvre en sachant parfaitement qu'elle est vanité?
Je n'ai ni explication ni justification. Cela est parce que cela est.

Jacques Ellul, La raison d'être, Méditation sur l'Ecclésiaste, p.9 à 11, Seuil (1987)



1 J'ai pu montrer, je crois de façon convaincante, dans Sans feu ni lieu que la Bible nous donne sur la ville une révélation cohérente qui ne trouve sa pleine justification que dans nos villes modernes, alors que les auteurs bibliques n'avaient aucun modèle de ce type sous leurs yeux. Il ne faut pas exagérer la grandeur de Ninive ou de Babylone!
2 Et encore, 1987, avant internet! (remarque personnelle)

S'habiller de blanc

Je ne connais pas suffisamment Emily Dickinson, mais a-t-il jamais été évoquée cette phrase à propos de sa décision de s'habiller de blanc?

En tout temps, porte des habits blancs

Qohélet, 9,8
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