— Ça veut dire quoi, herméneutique?
Le jeune homme qui m'a posé cette question m'a tellement surprise (réveillée en plein rêve — en pleine lecture) que j'ai failli en oublier de descendre de la rame de métro. Je crois que j'ai rougi (intérieurement, j'ai rougi) et j'ai balbutié:
— Le sens… il s'agit du sens, de la signification…
Rassemblant deux idées, j'essayai de résumer : — ça concerne l'interprétation des textes.


Et je suis descendue juste à temps de la voiture. Je n'avais pas lu assez loin (heureusement, j'aurais été encore plus confuse). Quelques chapitres plus loin, le mot était défini:
La double communication, de l'inférieur au supérieur et du supérieur vers l'inférieur, caractérise la fonction du médiateur dans la philosophie néo-platonicienne. C'est précisément cette fonction que les néo-platoniciens, comme le remarque Jean Pépin1, nomment «herméneutique». Entre le sensible et l'intelligible, l'âme est un interprète.
Jean Pépin fait remarquer que le verbe «hermeneuein» possède déjà ce sens précis chez Platon, désignant le rôle des démons: «Bref, un double transit, ascendant et descendant, sur lequel la nature démoniaque a pouvoir; or c'est pour traduire cet échange et ce relais que Platon emploie le verbe hermeneuein: ainsi le démon «fait connaître (hermeneuôn et transmet aux dieux ce qui vient des dieux».
Héritiers de cette tradition néo-platonnicienne, les latins traduisent «herméneutes» par «interprète». […] Dans la théologie de la Renaissance, c'est […] le Christ qui, conformément à la doctrine de Saint Augustin, tient le rôle du médiateur-interprète.

Pierre Force, Le problème herméneutique chez Pascal, p.181



Note
1 : Pépin, Jean, «L'herméneutique ancienne», Poétique 23, 1975, pp. 291-300