Pour un esprit moderne, la croissance organique s'obtient en décrivant des cercles de plus en plus larges dans l'espace réel. L'empereur, au contraire, dessinait des cercles de plus en plus étroits. Il s'était fixé pour tâche de parvenir au point le plus central de l'empire et d'y concentrer toutes les influences spirituelles conférées depuis bien longtemps par la dignité impériale. Il s'agissait précisément pour ce monarque de ne pas laisser sa puissance grandissante se dissiper au loin, il devait au contraire la condenser et l'accroître en direction du centre. Il en résulta une tension à peine supportable qui ne put jamais se libérer vers l'extérieur et qui resta toujours tournée vers le centre. Frédéric II est l'unique exemple dans l'histoire d'un monarque universel visant, non pas à étendre son pouvoir, mais à le concentrer. Dante, lorsqu'il ramène le cosmos en un point unique, est animé par la même vision.
Ernst Kantorowicz, L'Empereur Frédéric II, p.404