Le romantisme du XIXe siècle (si l'on renonce à faire de ce mot un peu dadaïste un véhicule de confusions d'un style bien romantique) n'est en réalité que ce stade esthétique intermédiaire entre le moralisme du XVIIIe et l'économisme du XIXe siècle, il n'est qu'une transition réalisée par le moyen de l'esthétisation de tous les secteurs de l'esprit, opération facile et couronnée de succès. Car l'évolution qui part de la métaphysique et de la morale pour aboutir à l'économie passe par l'esthétique, et la consommation et la jouissance esthétiques, si raffinées soient-elles, représentent la voie la plus sûre et la plus facile vers une emprise totale de l'économie sur la vie intellectuelle et vers une mentalité qui voit dans la production et dans la consommation les catégories centrales de l'existence humaine.

Carl Schmitt, La notion de politique, p.138 (1932 revu en 1963, Calmann-Lévy 1972)