Véhesse

Aller au contenu | Aller au menu | Aller à la recherche

vendredi 30 octobre 2009

Achille parmi les femmes

A quoi ressemblait le bouclier d'Achille, quelles étaient ses armes et sa parure quand il partit au combat, je ne saurais le décrire avec précision, je ne puis me souvenir, et encore confusément, que de brassards et de jambières.
Alfred Döblin, Berlin Alexanderplatz p.242, Gallimard (2009).

Dans la première partie de cette traduction par Olivier Le Lay, je retrouve le rythme de la phrase de Brown traduite par Baudelaire en exergue du Double Assassinat dans la rue Morgue de Poe:

Quelle chanson chantaient les sirènes ? Quel nom Achille avait-il pris quand il se cachait parmi les femmes ? — Questions embarrassantes, il est vrai, mais qui ne sont pas situées au-delà de toute conjecture.
Thomas Browne, Hydriotaphia, Urn Burial, or a Discourse of the Sepulchral Urns lately found in Norfolk (Chapitre V)

A cette dernière question, un auteur de roman policier anglais contemporain apporte une réponse pleine de bon sens. Dans cette scène, Enée reproche à Ulysse d'avoir causé la mort d'Achille en allant le débusquer parmi les femmes où sa mère l'avait caché pour lui éviter de partir à Troie:

'You were still responsible for discovering Achilles, without whom none of this could have happened,' accused Aeneas.
'Come on!' protested the Greek. 'You make it sound like summa special. Well, it weren't. Any idiot could have found him out. Il mean, think about it. There he was, disguised as a lass among all these other lasses. Good thinking, eh? Except that he's seven foot tall and he's got a dong like Big Ajax's spear! You know what the lasses on Skyros used to call him when he hid among them? Stiffy! And it weren't for the way he danced.'
Reginald Hill, Arms and the Women, p.306

mardi 27 octobre 2009

Job et le combat avec l'ange

— Job, tu ne peux pas ouvrir tes yeux, ils sont collés, ils sont collés. Tu te lamentes parce que tu es couché dans le potager, et la niche du chien est la dernière chose qui te reste, et ta maladie.
— La voix, dis, la voix, la voix de qui tu es et où tu te caches.
— Je ne sais pas sur quoi tu te lamentes.
— Oh, oh.
— Tu gémis et tu ne sais pas non plus, Job.
— Non, j'ai —.
— J'ai ?
— J'ai perdu ma force. Voilà.
— Tu voudrais bien l'avoir.
— Plus de force pour espérer, plus de souhait. Je n'ai plus de dents. Je suis mou, j'ai honte.
— C'est toi qui l'as dit.
— Et c'est vrai.
— Oui, tu le sais. C'est le plus terrible.
— C'est déjà inscrit sur mon front alors. La loque que je suis.
— C'est cela, Job, qui te fait le plus souffrir. Tu voudrais ne pas être faible, tu voudrais pouvoir résister, ou alors être tout à fait criblé, ton cerveau envolé, tes pensées envolées, déjà bétail tout entier. Choisis quelque chose.
— Tu m'as déjà tant demandé, voix, maintenant je crois que c'est bien ton droit. Guéris-moi! Si tu le peux. Que tu sois Satant ou Dieu ou un ange ou un homme, guéris-moi.
— Tu accepteras cette délivrance de n'importe qui?
— Guéris-moi.
— Job, réfléchis bien, tu ne peux pas me voir. Si tu ouvres les yeux, tu t'effaroucheras peut-être de moi. Peut-être que mon prix est élevé et terrible.
— Nous verrons bien. Tu parles comme quelqu'un qui sait ce qu'il dit.
— Mais si je suis Satan ou le Malin?
— Guéris-moi.
— Je suis Satan.
— Guéris-moi. »
Alors la voix céda du terrain, se fit de plus en plus faible. Le chien aboya. Job épia anxieusement: Il est parti, il faut qu'on me guérisse, ou il faut que j'entre dans la mort. Il criaillait. Une nuit atroce arriva. Et la voix vint une fois encore:
— «Et si je suis Satan, comment te débarrasseras-tu de moi?»
Job cria: «Tu ne veux pas me guérir. Personne ne veut m'aider, ni Dieu, ni Satan, pas un ange, pas un homme.
— Et toi-même ?
— Quoi, moi-même ?
— Tu ne veux pas !
— Quoi.
— Qui peut t'aider, quand tu ne veux pas toi-même !
— Non, non», balbutia Job.
La voix face à lui: «Dieu et le Satan, anges et hommes, tous veulent t'aider, mais tu ne veux pas — Dieu par amour, le Satan pour te tenir plus tard, les anges et les hommes parce qu'ils sont les assesseurs de Dieu et du Satan, mais tu ne veux pas.
— Non, non», balbutia, hurla Job et se débattit.
Il cria toute la nuit. La voix lançait sans discontinuer: «Dieu et le Satan, les anges et les hommes, tous veulent t'aider, tu ne veux pas.» Job, sans discontinuer: «Non, non.» Il cherchait à étouffer la voix, elle s'amplifiait, s'amplifiait à mesure, elle le devançait toujours d'un degré. Toute la nuit. Vers le matin Job tomba face contre terre/
Muet Job gisait.
De ce jour ses premiers ulcères guérirent.

Alfred Döblin, Berlin Alexanderplatz p.146-147, Gallimard 2009, nouvelle traduction d'Olivier Le Lay



Echo de ce livre dans écholalistes, le site des listes.

mardi 20 octobre 2009

El-Khatun

J'ai lu La Prédominance du crétin il y a une dizaine d'années déjà. Ce livre rassemble des articles des journalistes italiens Fruttero et Lucentini parus entre 1972 et 1987 dans La Stampa. La plupart des articles retenus ironise sur le communisme, les intellectuels, la mouvance post-soixante-huitarde, etc.

Un article fait exception. Il me poursuit la nuit, dans les heures de silence et de solitude, quand de loin en loin scintille le twitt d'un ami insomniaque.
Il s'agit d'un article paru au moments de la réédition des Letters of Gertrude Bell en 1987 (apparemment jamais traduites en français).

El-Khatum du désert
[En 1888], une jeune fille aux yeux clairs et aux cheveux auburn, maigre, très élégante, reçoit un first (1er prix) de la History School pour sa thèse d'histoire moderne. C'est la première fois qu'un first d'Oxford est attribué à une femme, fait remarquer le doyen de la faculté en félicitant la jeune fille et en lui souhaitant un brillant avenir.

[…] Pour le moment, elle n'est que Gertrude Bell, fille de sir Hugo et de lady Florence. Quant à l'arabe — que contrairement à Lawrence elle parlera couramment, avec une prononciation bédouine impeccable — elle n'en connaît pas encore un seul mot. Si on lui disait que chez les nomades du désert, de Syrie en Mésopotamie, du Nafoud au haut-plateau du Nedjed, elle deviendrait célèbre sous les noms de Khatun es-Sahra ou de El-Khatun, elle ne saurait pas que le premier mot signifie «la dame du désert» et le second simplement «la dame».

Cependant, à Oxford déjà, elle se distingue par d'autres firsts que celui d'histoire: elle est la première à fumer avec désinvolture en public; la première aussi à porter des souliers bleus ou marron et non pas noirs, chose impensable à l'université pour une jeune fille victorienne.

[…]

[] le désert, le sahra, lui deviendra nécessaire comme la mer à un héros de Conrad, même si, au désert par antonomase, le Sahara, elle préférera toujours ceux de l'est de Suez, qu'elle trouve plus exaltants et mystérieux. Et pour y rester elle trouvera toujours de nouveaux prétextes: étudier l'arabe dans ses dialectes les plus reculés, chez les tribus nomades mal connues ou tout à fait inconnues jusque-là, écrire des articles et des mémoires pour la Royal Geographic Society, explorer des sites géographiques (son livre sur Oukhaïdir et celui sur les Bin-bir-kilissé en Asie mineure, écrit en collaboration avec sir William Ramsay, font autorité aujourd'hui encore; à Bagdad, toute une aile du Musée national porte son nom).

Du reste, il ne s'agit pas de simples prétextes; ses décorations civiles le prouvent (comme le CBE: Companion of the British Empire), de même que les médailles militaires qu'elle recevra plus tard. Sa vraie vocation est sentimentale, poétique. Un des thèmes sur lequel elle revient le plus souvent est la lente progression de sa caravane, la nuit, vers des lieux distants de trente ou même de quarante journées de marche, mais qui, au fond, ne l'intéressent pas en eux-mêmes. «Parfois je me demande, avoue-t-elle, s'il est aucune destination où il m'importe d'arriver.» Car ce qui la fascine c'est le voyage en soi, les rares rencontres avec d'autres caravanes, la recherche nocturne des points d'eau, la conversation avec les ombres proches mais à peine distinctes de ses chameliers et du guide.
«Où es-tu, Ô Khatun?» «Je suis là, Ô Ahmed!» «Ô Khatun, ici, c'est la vallée de l'Âne sauvage! Allah est miséricordieux.» «Allah est grand, Ô Ahmed, mais quand la trouverons-nous, cette bienheureuse fontaine du Daim?» «Peut-être à l'aube, Ô Khatun.»

Fruttero et Lucentini, La prédominance du crétin, p.246 et suivantes, éd. Arléa 1988

Gertrude Bell fera partie du corps expéditionnaire britannique en Mésopotamie tandis que T.E. Lawrence mènera sa propre campagne dans le Hedjaz. Elle est dite avoir créé l'Irak moderne, ce qui évidemment ne résonnait pas aussi tristement lorsque j'ai découvert son existence — avant la guerre de 2003.

vendredi 16 octobre 2009

Le lecteur improbable

Au demeurant, les chances étaient minces pour que les livres abandonnés trouvassent un lecteur auquel ils pussent apporter quelque chose — si minces, même, qu'en entretenant l'espérance que s'opérât une telle transmission, on entrait dans la perspective du miracle.

Renaud Camus, Loin, p.156



A rapprocher de cela.

dimanche 11 octobre 2009

Index des livres et auteurs cités

Ce n'est pas exhaustif: je n'ai relevé que les noms ayant donné lieu à quelques commentaires ou une citation in extenso (pour le reste, la fonction "recherche" du blog suffit, je pense.)
Tentative interrompue en décembre 2009: à partir de janvier 2010, contitution d'un index à partir de tags.
.

  • A

Abreu, Caio Fernado - Petites épiphanies, Camille Claudel, le tournesol

Agefi - mini-jupe et moral économique

Arendt, Hannah - La Crise de la culture, la morale selon Hobbes

Arendt, Hannah - Vies politiques, Angelo Guiseppe Roncalli

Anthologie de la poésie russe pour enfants - extrait de l'introduction, "Le conseil de la souris" de Samuel Marchak, "Leçon de français" de Roman Sef et "L'orange" d'Oleg Grigoriev

  • B

Barthes, Roland - Roland Barthes par Roland Barthes, la bathmologie, si le stéréotype passait à gauche

Barthes, Roland - à propos de S/Z, Barthes poète

Barthes, Roland - notes transcites en écoutant le cours sur Le Neutre: le chagrin de Barthes, la franchise

Baudelaire, Charles - Mon cœur mis à nu, soyons médiocres

Bell, Gertrude - Letters of Gertrude Bell, évoquées dans La Prédominance du crétin, de Frutero et Lucentini

Bioy Casarès, Adolfo - L'Invention de Morel, l'éternité dans la durée d'une semaine

Blanchot, Maurice - La fuite de la vie par l'écriture et la lecture dans «Le Roman, œuvre de mauvaise foi», Les Temps modernes 1947

Blixen, Karen - Nouveaux contes gothiques, le nez, la tragédie, le souci

Block, Lawence - Les fleurs meurent aussi, compte-rendu

Bonnefoy, Yves - Rome 1630, la structure du prestige

Borel, Marie - Priorité aux canards, quelques mots

Borel, Marie - Le monde selon Ben, compte-rendu

Borgès, Jorge Luis - Conférences, les livres, le roman policier

Boulgakov, Michaïl - Le maître et Marguerite, la montée vers la lune

Brasseur, Roland - Le quarante-quatrième jour, compte-rendu, la virgule

Butor, Michel - Passage de Milan, thématique du reflet, de la réflection et de la transparence

  • C

Calimaque - l'enfer surpeuplé

Cavafis, Constantin - Depuis neuf heures

Chandler, Raymond - The long Good-Bye, arrêter de boire

Chevillard, Eric - Le vaillant petit Tailleur, un poisson rouge

Chomsky, Noam - Penser par soi-même

Compagnon, Antoine - Les Antimodernes, critique d'Enthoven; Maistre et Bonald; les conservateurs libéraux en art; les législateurs bébés (de Maistre), la méthode de Thibaudet, le parti de l'intelligence

Conrad, Joseph - Des souvenirs, compte-rendu

Crane, Stephen - Le bateau ouvert, compte-rendu

  • D

Dard, Frédéric - (San Antonio) la défense du français dans Foiridon à Morbac City

Dewitte, Jacques - extraits de "Pouvoir du langage et liberté de l'esprit" in Les Temps modernes, mai 1991 et "Langage et inhumain" in Les Temps modernes, décembre 1996

Dumas, Alexandre - Joseph Balsamo, les femmes ne font pas la cuisine

Durand, Claude - préface à La Campagne de France de Renaud Camus

Duvert, Tony - Le Voyageur, de beaux draps

  • E

Eco, Umberto - Six promenades dans les bois du roman, comment reconnaître un film pornographique

Eco, Umberto - De la littérature, la lecture par imprégnation

édition - la chute de Josiane Savigneau et l'importance des émissions télévisées

  • F

Flaubert, Gustave - vœux de nouvelle année

Force, Pierre - Le problème herméneutique chez Pascal, les degrés ou bathmologie, définition de l'herméneutique, compte-rendu du livre.

Foucault, Michel - Raymond Roussel, compte-rendu

Frutero & Lucentini - La Prédominance du crétin, Gertrude Bell

Fumaroli, Marc - Exercices de lecture, préface

  • G

GAGE - association achrienne s'éloignant du camusisme

Gautier, Théophile - Histoire de la marine, cité par Eugène Sue dans Romans de mort et d'aventures.

Gide, André; Louÿs, Pierre; Valéry, Paul - Correspondances à trois voix, des nouvelles sans conséquence, les choses tues en amitié

Golding, William - Trilogie maritime, citation via un article universitaire.

Grigoriev, Oleg - L'orange

Grossman, Vassili - Vie et Destin, la bonté

Guinzbourg, Evguénia S. - Le vertige, la bonté

  • H

h - aspiré ou pas?

Hadot, Ilsetraut - préface aux Consolations de Sénèque

Haffner, Sebastian - Histoire d'un Allemand, la mode parisienne en 1933, compte-rendu, le père: ce qui ne se fait, l'influence de la littérature, portrait de fonctionnaire, une vie en ruines.

Houppermans, Sjef - Renaud Camus érographe, l'écriture camusienne

Hugo, Victor - La légende des siècles, Sultan Mourad, Eviradnus

Hugo, Victor - Toute la Lyre, le haricot

Hugo, Victor - jugé par Paul Valéry

Huttington - a tort d'avoir raison

  • J

Jonas, Hans - Souvenirs, la tante poète lamentable, la source du Dictionnaire khazar, Husserl inconnu dans sa famille, philosopher en anglais ou en allemand, réception de la philosophie aux Etats-Unis, assimilation et sionisme

Jourde, Pierre - Le crétinisme alpin in Petit déjeuner chez Tyrannie, définition du crétin

  • K

Kavanagh, Dan - The Duffy omnibus

Kierkegaard - Post-scriptum aux Miettes philosophiques, la chance de ne rien devoir aux critiques

Klemperer, Victor - Je veux témoigner jusqu'au bout, assimilation et antisionisme

  • L

Lançon, Philippe - possible auteur de Je ne sais pas écrire et je suis innocent

Lapierre, Nicole - Le silence de la mémoire, à la recherche les juifs de Plock, compte-rendu

Larbaud, Valery - une remarque de Jan Baetens, Allen, la virgule, l'avarice de la province

Larbaud, Valery - 200 chambres 200 salles de bain, compte-rendu

Lec, Stanislaw Jerzy - Pensées, les fautes d'orthographe

Léon, Paul - professeur, auteur d'un article sur le regard à propos de Renaud Camus

Levé, Edouard - Suicide, compte-rendu

Lewis, C.S. - The voyage of the Dawntrader, la mer du bout du monde

Lindqvist, Sven - Maintenant tu es mort, le goût de la guerre

Louÿs, Pierre; Valéry, Paul; Gide, André - Correspondances à trois voix, des nouvelles sans conséquence, les choses tues en amitié

Lucentini & Frutero - La Prédominance du crétin, Gertrude Bell

  • M

Maistre, Joseph de - cité par Jean-Yves Pranchère : personne ne fait son devoir

Manguel, Alberto - le traducteur, conducteur de caravane (préface à 200 chambres 200 salles de bain)

Marchak, Samuel - Le conseil de la souris

Maupassant - musique à Palerme

Mauriac, François - D'un bloc-note à l'autre, Fromentin, la grippe et la virgule

Maurois, André - Les discours du docteur O'Grady, le portugais sans peine, un chien français

Mitchell, Margaret - Autant en emporte le vent, vivre sans réputation

  • N

Nabokov, Vladimir - Ada, Ladore/Mont-Dore, Lucette, ''René'', Chateaubriand, préface de Mary McCathy à Pale Fire

Nabokov, Vladimir - Lolita, définition de la pornographie

Nietzsche - Humain, trop humain, la langue abstraite de la grande culture

  • P

Paasilina, Arto - La forêt des renards pendus, la mort de la mère Jarmanni

Palliser, Charles - Le Quinconce, quelques remarques

Pascal, Blaise - [analyse de sa méthode de lecture|http://vehesse.free.fr/dotclear/index.php?2008/10/17/1129-le-probleme-hermeneutique-chez-pascal-de-pierre-force ] par Pierre Force.

Peeters, Benoît - La bibliothèque de Villers suivi de Tombeau pour Agatha Christie, compte-rendu

Poe, Edgar Allan - The Narrative of Arthur Gordon Pym, compte-rendu

Pound, Ezra - a.b.c. de la lecture , le rouge

Pranchère, Jean-Yves - L'autorité contre les Lumières, compte-rendu avec un focus sur la linguistique et une première bibliographie sur le sujet, personne ne fait son devoir

Proust, Marcel - Du côté de chez Swann, intimité entre l'église et l'âme de Françoise

Proust, Marcel - A l'ombre des jeunes filles en fleurs, Odette écrit (ou peint); le mauvais goût bourgeois et le bon goût paysan; une tête comme un donjon aménagé en bibliothèque; les traits et les idées tiennent de la famille

Proust, Marcel - Lettre du 6 novembre 1908 à Mme Strauss: un écrivain fait sa langue

  • R

Rannoux, Catherine - Les fictions du journal littéraire, identification de sources dans Fendre l'air

Robbe-Grillet, Alain - Les Gommes, les P.T.T.

Roche, Mazo de la - Jalna, bataille de polochons

Rostand, Edmond - Cyrano de Bergerac, une virgule, c'était vous

Roubaud, Jacques - Les animaux de personne, Le mouton à grosses fesses; Le Maki Mococo

Rudnicki, Adolf - Les fenêtres d'or, la fin du ghetto de Varsovie

  • S

San-Antonio - la défense du français dans Foiridon à Morbac City

Santerre, Rémi - L'Ecart, Renaud Camus est Othon

Sartre, Jean-Paul - Nabokov, enfant de vieux, aurait beaucoup trop lu

Savigneau, Josiane - son départ du Monde

Sef, Roman - Leçon de français

Sénèque - Les Consolations, préface d'Ilsetraut Hadot

Sevran, Pascal - Il pleut, embrasse-moi, maniérisme de Renaud Camus, le rêve des lecteurs

Shakespeare, William - La Nuit des Rois, allocation de poils

Starobinski, Jean - Les mots sous les mots, les anagrammes de Saussure, aujourd'hui réédité

Supervielle, Jules - ''La prière de Lola à Saint Antoine

  • T

à propos d'Albert Thibaudet

Todorov, Tzevan - Face à l'extrême, mourir pour la Pologne

  • V

Valéry, Paul; Gide, André; Louÿs, Pierre - Correspondances à trois voix, des nouvelles sans conséquence, les choses tues en amitié, Valéry juge Victor Hugo

van Crevel, Martin - On future war, le goût de la guerre

Vaugelas, Claude (Fabre de) - Remarques sur la langue française utiles à ceux qui veulent bien parler et bien écrire la langue, cacophonie, qu'on et que l'on, les femmes ne sachant pas le latin référence du bon usage de la langue (fort/bien, cela/ça)

Veyne, Paul - Sénèque, certificat médical pour Britannicus

Villon, François - Ballade

  • W

Walzer, Pierre-Olivier Walzer - Paul-Jean Toulet, qui êtes-vous ?, compte-rendu, rapport que l'auteur doit entretenir avec ses personnages

Waugh, Evelyn - Viles Bodies - vol de stylo, compte-rendu

Weil, Jiri - Vivre avec une étoile, la joie et le chat Thomas, Beethoven

Woolf, Virginia - Les Vagues, le 25 juin

Woolf, Virginia - Mrs Dalloway, l'instant présent

Wright, Lawrence - The looming tower, Rousseau et Lénine

  • Z

Zagdanski, Stéphane - résistance de la pensée juive

jeudi 1 octobre 2009

J'ai la grippe et j'écris ce que je veux

Jeudi dernier, P. m'apporte un sac de livres.
Aujourd'hui, JY me fournit une citation pour mon anthologie de la virgule, avec une source certaine (Le Figaro du 15 janvier 1960), mais sans bien savoir où trouver cet article.
Il se trouve dans l'un des livres offerts par P.

LES BÂTONS ROMPUS DE LA FIÈVRE [1]

La grippe ne m'empêchera pas de faire mon article, mais je me donne le droit d'écrire à bâtons rompus ce qui me passe par la tête: je verrai bien ce que cela donnera. […]

[…] D'où me vient cette humeur? Ce jour de janvier presque tiède a une odeur de printemps. Mars n'est plus si loin et j'en ai comme une brusque fringale. […] le Dominique de Fromentin... Non que je sois tenté de relire une fois encore cette tendre et cruelle histoire... C'est ce qui la précède qui m'attire: jamais les saisons n'ont été rendues sensibles à travers les mots comme aux premières pages du roman de ce peintre, qui eût été si incapable de les exprimer avec des couleurs. Fromentin est un impressionniste, mais la plume, non le pinceau à la main. Ce n'est pas sur ses toiles que nous retrouvons le rayon d'une certaine heure au déclin d'un jour d'automne ou de printemps, c'est dans Dominique, surtout au début du chapitre trois.

Ma mémoire m'avait trahi: en fait, ce n'est pas le seul renouveau, ce sont toutes les saisons successives sur le jardin des «Trembles» que le peintre nous montre, avec une prédilection pour l'automne. Avril n'y paraît que l'espace de quelques lignes. Mais c'était ces lignes-là que j'avais gardées depuis cinquante ans vivantes en moi, de telle sorte que pour atteindre le printemps, celui de mon adolescence comme celui vers lequel nous allons et que nous touchnons presque, je n'ai qu'à ouvrir le livre à cet endroit familier: «Dans les profondeurs des feuillages, sur les limites du jardin, dans les cerisiers blancs dans les troènes en fleurs, dans les lilas chargés de bouquets et d'arôme, toute la nuit, pendant ces longues nuits, où je dormais peu, où la lune éclairait, où la pluie quelquefois tombait, paisible, chaude et sans bruit, comme des pleurs de joie —, pour mes délices et pour mon tourment, toute la nuit les rossignols chantaient.»

Je le note ici en passant, certains se sont étonnés souvent chez mes éditeurs, de cette manie que j’ai de couper mes phrases par un tiret suivi d’une virgule. En vérité je le dois à Fromentin, au Fromentin de ce passage-là: le tiret qui vient ici après «joie» marque un temps qui est entré à jamais dans ma propre musique… «Voilà qui nous est égal, m'écrira un grincheux. Vous pouvez bien placer vos tirets comme le cœur vous en dit sans en faire un communiqué au monde.» C'est à moi-même que je le fais. J'ai la grippe, et je suis libre de retrouver mon plaisir à découvrir ce tiret de Fromentin, qui est passé dans mes livres.
[…]

François Mauriac, D'un bloc-notes à l'autre, éd. Bartillat, p.561 et sq.

Notes

[1] le Figaro littéraire, samedi 30 janvier 1960, n°719

À retenir

Index

Catégories

Archives

Syndication



vehesse[chez]free.fr


del.icio.us

Library

Creative Commons : certains droits réservés

| Autres
Les billets et commentaires du blog vehesse.free.fr sont utilisables sous licence Creatives Commons : citation de la source, pas d'utilisation commerciale ni de modification.