Toujours des notes. Le compte-rendu est chez sejan, infidèle dans l'excès inverse: tandis que je retranche, il ajoute. Vous trouverez de longues citations chez lui.

L'homme cherche à vivre sa vie comme s'il la racontait => Moi narratif.
Roquentin: tient cette disposition pour amorale.

Galen Strawson n'est pas d'accord non plus. Car:
1/ On peut se créer une identité autrement qu'en racontant sa vie.
2/ On peut vivre bien sans se raconter.

Quelques oppositions, quelques variations de vocabulaire pour désigner les mêmes concepts.

Il existe deux genres de personnes:
- les diachroniques, qui fournissent un récit narratif, dans le tens de la durée. Leur vie prend la forme d'un récit cohérent et suivie.
- les épisodiques, qui fournissent un récit non-narratif. Leur vie est un patchworck de morceaux détachés.

Antoine Compagnon reprend cette distinction en variant un peu le vocabulaire. Il distingue deux types de récit:
- les récits organiques, présentant un Moi cohérent (Chateaubriand, par exemple). C'est ce que Michel Beaujour, spécialiste de l'autobiographie (Miroirs d'encre, 1980) appelle les autobiographies.
- et les récits épisodiques, présentant un Moi fragmentaire, ce que Michel Beaujour appelle l'autoportrait de soi (Montaigne, Leiris). Ces récits présentent des moments, des incidents. Chaque moment est l'occasion d'une plongée narrative. (Gide leur reprochait d'être des tranches toujours coupées dans le même sens).

C'est l'organic principle, selon le terme de Coleridge qui l'a volé à Schlegel.
Les récits organiques poussent comme un arbre1. Les récits mécaniques sont des romans d'ingénieur, des romans scientifiques, raisonnés. C'est Poe, Baudelaire, etc.

Selon ces différentes définitions, Montaigne, Stendhal, Proust (MSP) sont des écrivains épisodiques (un écrivain diachronique: Dostoïevski).

Stendhal a l'ambition d'écrire un récit, mais ses romans sont des successions d'épisodes (sauf Armance, mais dans Armance il y a un secret). C'est pour cela qu'ils sont si difficiles à suivre, on ne trouve pas la cohérence de Julien ou de Fabrice.

La honte, la mort, l'amour

La semaine dernière, le cours s'était terminé par les trois événements susceptibles d'assurer la cohérence du Moi, au-delà de la fragmentation: la honte, la mort, l'amour. Ces trois événements rappelle qu'on est toujours dans la même histoire.
  • la honte

    Le ruban de Rousseau. La honte arrête le temps. Il n'y a pas de prescription (La prescription suppose qu'on n'est pas identique à ses actes au bout d'un certain temps (Cela rappelle ses écrivains qui ne se reconnaissent plus dans les livres qu'ils ont écrits.)).
    Un livre serait comme un crime qui ne vous lâcherait pas: y a-t-il prescription?

    Chez Stendhal, il y a peu de honte et jamais de remords. Il n'y a pas de reconnaissance d'un Moi permanent.
    Exemple donné la semaine dernière des fautes d'orthographe qui ne font pas honte: Stendhal considère qu'il n'est plus celui qui les a écrites, il est un autre homme.
    Autre exemple: le fiasco avec Alexandrine: absence de honte. Etonné et rien de plus.>


  • la mort

    Montaigne. Les morts permettent de juger la vie. La mort est le bout, pas le but. Quid de l'écriture de vie: un but ou un bout?

    On meurt petit à petit, on perd des dents, des cheveux, etc, ce qui fait que quand on finit par mourir, il ne reste que la moitié ou le quart de soi-même qui doit mourir.

    La mort est aussi l'occasion de montrer qu'on n'a pas changé. Exemple de Stendhal dans Vie d'Henri Brulard. Pendant des années, Stendhal a buté contre le récit de la mort de sa mère.


  • l'amour

    Le temps n'a pas passé, l'amour et la mort indissociablement liés.
    En 1790 (mort de sa mère) comme en 1828 (amoureux), il y a une constante, Stendhal aime de la même manière. Sa ''chasse du bonheur'' n'a pas changé.
    De même, il s'est profondément réjoui à la mort de Louis XVI (il avait dix ans). Ainsi, entre ses dix ans et ses cinquante-deux ans, il n'a pas changé, il est identique dans la chasse du bonheur: l'amour permet une stabilité du moi.




1 : Cela m'a rappelé l'intervention de Christelle Reggiani sur les oulipiens: du framentaire parcouru souterrainement par de l'organique.